Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/637

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mitrailleuses, appareils de télégraphie sans fil, etc. Des maisons de refuge éventuel sont préparées. On y accumule des provisions, des médicamens, comme pour un siège qu’on sent prochain : tout évoque le souvenir de Pékin et de la révolte des Boxers…

Cependant, Huerta, dans ses entretiens, se montre expansif et sage, souvent avec une ouverture d’esprit digne d’un véritable homme d’État. Il se plaît à rappeler que toutes les requêtes qui lui ont été adressées par l’ambassade américaine ont été accueillies. Les troupes fédérales ont reçu les ordres les plus formels pour que des égards spéciaux fussent témoignés aux Américains. Sans critiquer la politique des États-Unis, il prédit que, s’ils le renversent au milieu de la mission pacificatrice qui lui est échue, ils se verront entraînés à la tâche ingrate d’une intervention armée.

La question mexicaine n’est pas de celles qu’on puisse résoudre par des formules d’algèbre. Il ne faut pas perdre de vue que le Mexique est, après tout, une nation de 15 millions d’Indiens… Les Etats-Unis savent, par leur propre expérience, ce qu’une telle population représente de difficultés. Durant le régime de Diaz, les Indiens ont entrevu la possibilité d’une amélioration de leur sort. Sous le régime madériste, avec la déception et la rancune laissées derrière elles par d’irréalisables promesses, le goût et l’habitude du désordre se sont généralisés. L’œuvre la plus urgente à poursuivre au Mexique n’est pas l’établissement d’une démocratie, mais le rétablissement de l’ordre. Tout en les combattant, Huerta ne condamne pas les rebelles du Nord. Mais il est certain qu’en cas de victoire, ces rebelles seraient dans l’incapacité de fonder par eux-mêmes un gouvernement viable et que leur premier soin serait de faire volte-face contre les Etats-Unis.

« La seule différence entre les rebelles et les fédéraux, remarque Mme O’Shaughnessy, c’est que les premiers ont carte blanche pour torturer, tuer, piller, tandis que les fédéraux sont obligés, bon gré, mal gré, à une certaine retenue. C’est leur existence même qui est en jeu. Huerta n’a peut-être pas plus de scrupules qu’il n’en faut pour les besoins de sa cause ; mais il a son prestige à soutenir aux yeux du monde et il est assez sagace pour en avoir mesuré le prix. »

« Il déplore, ajoute-t-elle, que notre gouvernement le prenne