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étaient mêlés et palpitans, m’y atteignit, et là j’entendis cet horrible persiflage : « Paix, silence, citoyens. Ils dorment, » disait en riant le conducteur de cette voiture de carnage. »

À la question si souvent posée : comment pouvait-on vivre sous la Terreur ? cette page est de celles qui nous paraissent avoir le mieux répondu.


Compositeur de théâtre, et de théâtre seulement, l’auteur des Essais ne manque pas une occasion d’élever la musique dramatique au-dessus de toute autre. C’est en elle qu’il reconnaît, qu’il glorifie l’interprète par excellence de la nature et de la vérité.

« J’admirerais davantage la fécondité d’un symphoniste que celle d’un compositeur dramatique : le premier tire ses idées du néant ou d’un sentiment vague ; le second les trouve dans les paroles qu’il exprime. Le premier, il est vrai, à la liberté de créer au gré de son imagination : tout est bon s’il forme un bel ensemble ; mais le compositeur dramatique est assujetti au genre, à l’action, à la prosodie. Toutes ces difficultés rendent son travail plus important. En l’unissant avec la parole, il peint d’après nature, sa production est immuable comme elle ; tandis que le langage de la symphonie est vague comme le sentiment qui l’a produit. »

« Vague, » voilà le mot que préfère Grétry, le seul même dont il use, pour définir, — vaguement il est vrai, mais peut-être aussi justement, — le caractère, l’expression de la musique symphonique, ou, comme on dit encore, de la « musique pure. » À cause de ce caractère même, il estime l’usage de la symphonie très convenable aux sujets religieux. « Un musicien qui se voue à la musique d’église est heureux de pouvoir à son gré se servir de toutes les richesses du contrepoint que le théâtre permet rarement. La musique d’une expression vague a un charme plus magique peut-être que la musique déclamée, et c’est pour les paroles saintes qu’on doit l’adopter. »

Ainsi, mais avec plus de raison, Chateaubriand trouvera bientôt dans le vague ou le mystère de la langue latine une des grandes beautés de la liturgie catholique : « Dans le tumulte de ses pensées et des misères qui assiègent sa vie, l’homme, en prononçant des mots peu familiers ou même inconnus, croit