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demeurés, comme on sait, dans des termes d’intimité avec Thérèse et son mari. Les billets échangés entre eux, et dont je possède quelques échantillons, font foi de ces excellentes relations. En voici un, pris au hasard, qui nous montre La Pouplinière écrivant à Tencin dans la maison et sur la table même de l’ancienne chanoinesse. « Votre lettre est charmante, monsieur, lui dit le cardinal[1]. Il ne s’est jamais rien écrit de plus joli sur la petite table de Mme de Tencin, et, entre nous, vous savez bien qu’il s’y écrit de jolies choses. Mais elle gagnerait beaucoup à vous avoir pour secrétaire. Que ce petit compliment très sincère soit le remerciement du vôtre. A peine, dans l’accablement où m’ont mis tous ceux que j’ai reçus, ai-je le temps de vous renouveler, monsieur, le tendre attachement avec lequel je vous honore. — Le cardinal de Tencin. »

La Pouplinière, en homme pratique, tenait beaucoup à entretenir les liens qui l’unissaient à ce couple puissant, dont, au moment de son mariage, il avait pu mesurer l’influence. En conséquence, il proposa qu’à son départ pour l’Italie le cardinal prit avec soi, en qualité de secrétaire, son jeune beau-frère, le chevalier d’Assay, alors âgé de vingt-six ans et dont il connaissait le caractère sérieux et la sagesse précoce. L’offre fut agréée. D’Assay, à la suite de Tencin, partit pour Rome, où il resta à peu près deux années. Le fermier général promettait de prendre à son compte les frais de voyage, de séjour, voire les dépenses mondaines. Il n’y mettait qu’une condition, c’est que d’Assay aurait avec sa sœur une correspondance régulière ; qu’il enverrait, pour mieux dire, une sorte de journal, où il noterait, au courant de la plume, ce que, du poste intéressant où il était placé, il entendrait conter ou verrait par ses yeux. Le chevalier tint fidèlement parole. Malheureusement, de cette correspondance, il ne subsiste qu’une partie : ce sont les lettres envoyées au cours de la seconde année. On doit regretter cette lacune. Alertes, naturelles, écrites avec simplicité et avec bonne humeur, ces lettres tracent un vif et amusant tableau du monde romain à cette époque. Les unes, les premières qu’on possède, ont trait spécialement au conclave, dont elles content les dernières semaines. Les autres, plus nombreuses, sont pleines de menues anecdotes sur divers

  1. 14 octobre 1740. Archives du comte de Villeneuve-Guibert.