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avec telles ou telles sympathies antérieurement existantes et peut-être justifiées. »

Quelles sont, grand Dieu ! et où peuvent-elles être ces sympathies antérieures ? Est-ce en France, en Belgique, en Italie, en Russie, en Pologne, qu’il faut les chercher ? Et là où elles semblent peut-être avoir quelque appui, c’est-à-dire en Suède, en Norvège, en Hollande, en Espagne, sont-elles bien sincères ? Que la roue du destin tourne, — comme tout le fait prévoir, — en faveur des Alliés, que restera-t-il de ces sympathies ? Déjà, celles que l’Allemagne escomptait aux États-Unis se sont enfuies, et le mot que le prince de Bismarck aimait à répéter avec une sorte d’orgueil conquérant : « Je suis l’homme le plus haï de l’univers ! » s’applique à toute la nation allemande qu’on appelle avec raison « la monstrueuse Nation, la Nation barbare ! »

Comment éviter ce ressentiment si légitime ? M. de Bülow n’hésite pas à compter sur « la bienfaisante action du temps » et, — ceci pourrait bien le concerner personnellement, — « sur le doigté d’un homme d’Etat adroit et ferme » pour que des relations normales et confiantes puissent être renouées avec l’ennemi. « Sur les ruines que la guerre laissera après elle, ajoute-t-il, les conquêtes d’ordre moral ne seront pas faciles. »

Mais, diront quelques optimistes, est-ce que l’exemple de l’Autriche n’est pas là ? Est-ce qu’à la défaite de Sadowa n’a pas succédé la conclusion assez rapide de l’alliance austro-allemande ? Ce n’est là, avoue M. de Bülow lui-même, « qu’un semblant de raison. Car où est le pays aujourd’hui, en Europe, auquel l’Allemagne soit liée par dix siècles de la même histoire, par la communauté de la langue, de la formation première, de la littérature, de l’art, des coutumes et des mœurs ? Ce sont là des liens auxquels le parallélisme de certains intérêts ne saurait suppléer. » M. de Bülow remarque encore qu’en 1866, le Schlesvig-Holstein, le Hanovre, la Hesse électorale, le duché de Nassau et Francfort avaient été réunis à la Prusse, et qu’ainsi le rapprochement avec les pays d’outre-Mein s’était établi sur de solides fondemens, tandis que 1871 devait valoir à l’Allemagne l’Alsace et la Lorraine.

La guerre survenue en 1914 est devenue une guerre nationale, aussi bien pour les Français, pour les Anglais que pour les Russes. « Aussi, la haine déchaînée par cette guerre persistera