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que reculer, c’est son affaire et son rôle de Prussien, décidé à ne voir que la bataille et à fermer les yeux sur les incendies, spoliations, rapts, viols, déportations, incarcérations, tortures et autres infamies voulues par des chefs impitoyables et par des historiens complaisans, dont le seul refrain est : Krieg ist Krieg ! ou : Not kennt kein Gebot ! « Aucune guerre, dans l’histoire d’Allemagne, ajoute l’auteur, n’aura vu un héroïsme général comparable à celui-là ; aucune guerre n’aura vu non plus tant de sacrifices et tant de pertes douloureuses. » Et alors, dévoilant en une phrase toute la politique allemande à venir, il dit : « Il va de soi que le but principal de notre action doit être aujourd’hui pour nous d’assurer à l’Allemagne, non seulement une indemnité suffisante, mais des garanties contre la répétition d’une guerre se déroulant dans les mêmes conditions ou dans des conditions également défavorables. » Nous verrons quelles seront ces garanties et cette indemnité, mais n’est-il pas bon de noter tout de suite que le pays qui a provoqué et déchaîné la guerre, déclare aujourd’hui par un de ses diplomates les plus autorisés qu’il veut s’assurer « contre le renouvellement de pareilles hostilités ? »

M. de Bülow aime à constater que, comme chez les autres peuples, la guerre a relégué au second plan les querelles de partis et déterminé la paix entre les citoyens, la Burgfried. En apparence, cela est vrai. Mais pour combien de temps ? Les socialistes, qui ont prêté un si puissant appui au parti de la guerre, commencent à se diviser quelque peu, et la mobilisation civile, très rigoureuse, peut seule contenir des ressentimens, des récriminations amères, des révoltes inquiétantes. Enfin, le vote récent d’une motion nationale-libérale concernant l’examen de la réforme constitutionnelle et de la représentation nationale, et à laquelle a succédé le Rescrit impérial du 8 avril, n’est-il pas l’indice d’une crise redoutable ? M. de Bülow, qui affecte d’être rassuré en politique intérieure, l’est beaucoup moins sur les suites de la guerre elle-même. Il reconnaît qu’elle laissera après elle, chez bien des peuples, « un ressentiment profond. » Il dit que « la haine et les espoirs de revanche influenceront longtemps les relations internationales. Ce serait une lourde faute, ajoute-t-il, que de poursuivre des illusions à ce point de vue et que de vouloir, dans un temps que la guerre a marqué de son caractère et de sa loi, compter parfaitement