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voulu non seulement conquérir tout le Congo et réduire au Maroc notre situation et notre influence au minimum d’expression ; il avait voulu entraîner l’Italie dans la lutte contre la France, la Russie et l’Angleterre, en s’apprêtant habilement à la duper après la guerre ; il avait voulu, par des manœuvres habiles, reconquérir une fortune que le ressentiment de son maître, surpris et devancé en plein arbitraire par le Reichstag, lui avait enlevé ; il est prêt encore aujourd’hui à prier son successeur modeste de lui rendre son poste à la Chancellerie d’Etat et prêt à dicter, en cas du triomphe auquel il croit toujours, des volontés souveraines à l’Europe. Il ne les indique pas en son livre, mais son ralliement aux idées pangermanistes peut les faire connaître. Il partage les idées d’Ernest Haase qui disait : « Le globe doit être réparti entre les forts ; les petits peuples doivent disparaître ; il faut qu’ils se fondent dans les grands peuples qui les avoisinent. » Admettons un instant avec M. de Bülow que ses désirs de conquêtes, uniquement inspirés, selon lui, par la pensée de contenir les hostilités des ennemis de l’Allemagne, soient réalisés. Est-ce tout ? Ses désirs sont-ils satisfaits ? Non... Il est absolument nécessaire que les Allemands maintiennent ou réalisent le contact et resserrent les rapports avec les Neutres. « Dans cet ordre d’idées, dit-il, le souci des intérêts politiques doit l’emporter absolument sur le sentiment, celui-ci fùt-il de peu de sympathie réelle. Du fait de l’accroissement de sa puissance, l’Allemagne devra être en état d’affronter les inimitiés que les événemens auront ravivées et fortifiées. De plus, cela dût-il même lui déplaire, elle devrait bien penser qu’elle ne pourrait se fier à l’amitié de ceux-là mêmes qui n’auraient pas été ses adversaires dans la guerre actuelle. »

Ici M. de Bülow avance à pas prudens. « Comme je m’attendais, dit-il, il y a deux ans, à une longue période de paix, pendant laquelle le temps travaillerait en faveur de l’Allemagne, je dus observer alors une extrême réserve à l’endroit de l’étranger... Il va de soi que je puis parler avec plus de précision aujourd’hui. Je ne vois rien dans la politique étrangère qui soit de nature à modifier mon opinion quant aux dispositions de l’étranger à l’égard de l’Empire, car les événemens me donnent raison. L’intransigeance du ressentiment français s’est trop nettement affirmée. On a remarqué en 1913 que je manifestais un trop grand scepticisme au sujet de nos rapports avec