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et le caractère particulier de la vie politique allemande. Ce socialisme était dangereux, parce qu’il était foncièrement allemand, à cause de ses capacités d’organisation et de sa discipline sévère. M. de Bülow disait alors de la Sozial-Démokratie ce qu’il n’ose plus dire aujourd’hui, car il en a besoin plus que jamais : « Il ne faut pas songer à la réconcilier avec l’Etat et à la dissoudre ainsi du même coup, en l’attelant pour un temps au char gouvernemental ou en faisant participer tel ou tel de ses membres aux affaires. » Sans doute aujourd’hui, M. Scheidemann n’est pas ministre officiellement, mais il a cependant quelque crédit dans l’action ministérielle. M. de Bülow ne dirait plus que le socialisme allemand est irréconciliable et intransigeant vis-à-vis de l’Etat, puisque, le 2 août 1914, tous les socialistes ont voté les crédits militaires et que, depuis deux ans, la presque totalité d’entre eux pousse à la continuation d’une guerre terrible et laisse entrevoir des appétits et des exigences inexorables pour le jour du règlement des comptes avec l’étranger.

M. de Bülow n’accuse donc plus aujourd’hui les socialistes allemands d’être imbus du vieux défaut d’envie, — propter invidiam, — que Tacite reprochait à leurs aïeux, les Germains. Il ne dirait plus que ses adeptes manifestent une haine fanatique contre la propriété et l’instruction, la naissance et la situation. En 1914, M. de Bülow envisageait la renonciation du gouvernement à la lutte contre la Sozial-Domokratie comme la capitulation du souverain devant la Révolution. « Une entente avec elle serait en Prusse le triomphe du socialisme sur le gouvernement et la Couronne. Le gouvernement prussien ne peut pas essayer avec elle une politique de réconciliation, sans avoir à craindre de détruire l’organisme fondamental de la Prusse. Le mot de Bebel que le socialisme aura cause gagnée quand il aura acquis la Prusse, est vrai. » Que faire alors ? » Il ne nous reste, disait alors M. de Bülow, que l’espoir de le vaincre par des voies indirectes, en l’attaquant dans ses causes et dans ses forces motrices. Isoler de lui le libéralisme et rallier celui-ci au gouvernement et à la Droite ; éclairer le parti ouvrier et lui montrer que le socialisme est incapable de supprimer les soucis et la misère ; conquérir, par la persuasion, la douceur, les bons procédés et les institutions utiles, l’amitié des ouvriers, telle est la conduite à suivre. » Il est vrai qu’à ces