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la Russie et de lui enlever en Europe toute action décisive. Ceci établi, est-il possible d’admettre que la politique allemande à son égard n’ait pas été une provocation incessante ?

M. de Bülow avoue que, dans un court résumé politique, il a volontairement négligé les développemens relatifs à de vieilles querelles intestines. Cependant, il ne peut dissimuler la satisfaction que lui cause le changement survenu dans la Sozial-Demokratie qui s’est rangée dès la première heure au service de l’intérêt national. « C’est, dit-il, à peu près uniquement sur le terrain des problèmes d’intérêt national que je me suis trouvé en désaccord avec elle. Si l’on excepte ces questions, les revendications légitimes de la Sozial-Demokratie ont trouvé auprès du gouvernement accueil et satisfaction. L’entente avec elle et le gouvernement, ainsi qu’avec les autres partis, sera autrement facile dans l’avenir, du moment que la guerre a supprimé la distinction entre Nationalistes et non-Nationalistes. » Il se réjouit donc de constater que du jour même où la guerre a été déclarée, la Sozial-Demokratie n’a plus envisagé que l’intérêt de la patrie allemande.

Cependant, M. de Bülow avait toujours vu, et il le voit encore, un très grand danger dans le socialisme. Il le disait en ces termes à la veille de la guerre : « La lutte contre lui est le devoir de tout gouvernement allemand, jusqu’à ce que le socialisme soit écrasé et modifié. » L’écrasement, depuis l’échec de la loi du Reichstag contre les socialistes, n’était plus chose possible. Sans doute, on pouvait encore et l’on devait réprimer sans pitié toute atteinte à l’ordre public, comme l’avaient fait en France des ministres issus du parti radical même. Mais intervenir brutalement dans une évolution pacifique pour prévenir des explosions éventuelles, c’était bien différent, car on courait le risque de susciter une violence qui, sans cela, serait restée dans l’ombre, comme l’avaient prouvé les fameuses persécutions contre les démagogues dans les années 1815 et 1845. Il ne fallait pas oublier que le résultat de cette imprudence fut la Révolution de 1848.

Donc, aussi longtemps qu’il serait possible de satisfaire aux nécessités politiques sur le terrain du Droit, il fallait s’y appliquer et cela même dans la lutte contre le socialisme. Il convenait d’en bien étudier le caractère pour se défendre contre ses théories et ses actes qui attaquaient la base de la vie gouvernementale