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« La nigauderie, la sottise avec lesquelles, dit M. de Bülow, les ennemis du peuple allemand traitent, soit en écrits, soit en paroles, le militarisme prussien, fondement de notre existence politique et garantie de notre avenir, m’a fourni l’occasion de révéler l’importance du rôle de l’armée dans l’histoire politique de l’Allemagne. » Aussi, l’ancien chancelier a-t-il tenu à lui consacrer un chapitre spécial qu’il faut étudier de près, car il en vaut la peine.

« C’est sur les épaules de son armée, remarque-t-il, que l’Allemagne a atteint les hauteurs d’où elle embrasse un si vaste horizon. Dans l’immense conflit auquel nous assistons, les difficultés de la guerre que l’Allemagne soutient pour l’avenir de sa politique seront d’abord résolues par notre peuple en armes, dont les bataillons combattent au Sud, à l’Est, à l’Ouest. C’est cette armée, forgée par la vieille Prusse et par elle léguée au nouvel Empire, qui aujourd’hui protège victorieusement le peuple allemand et la terre allemande contre un monde d’ennemis. Nouvelle confirmation de cette vérité que les forces qui ont d’abord fait la grandeur d’un Etat, sont encore celles qui le maintiennent et assurent son salut. » Cela est de toute évidence et est vrai partout. Mais l’armée prussienne n’a pas seulement à défendre et à protéger le sol national ; elle a aussi à soutenir et à sauvegarder la monarchie. Etudiant le caractère des diverses armées de l’Europe, le prince de Bülow définit ainsi l’armée de l’Empire : « L’armée allemande d’aujourd’hui est monarchiste, parce que l’Empire allemand est essentiellement une création de la monarchie. » Elle a été jetée dans le moule officiel et elle a reçu une forme qui lui impose le caractère même de l’Etat qu’elle sert. Et c’est pour cela qu’elle est commandée par un corps d’officiers presque exclusivement nobles et que sa discipline est d’une rigidité et d’une sévérité sans pareilles. Le citoyen allemand devient, dès son incorporation, l’instrument même de la volonté impériale, et il doit obéir perinde ac cadaver. Qu’on en juge par cette allocution de Guillaume II aux recrues de Potsdam :


« Recrues !

«... Vous pouvez être appelés d’un moment à l’autre à tirer sur les membres de votre famille, à sabrer père, mère, frères ou sœurs. Mes ordres à ce sujet doivent être exécutés avec entrain