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l’étranger battu enrage contre le sévère instructeur de l’Allemagne, la Prusse, et, plein de colère, maudit l’armée prussienne, le Militarisme, qui n’est rien autre chose aujourd’hui que l’esprit même de la nation armée. »

On a dû remarquer avec quelle insistance le Mecklembourgeois Bülow affirme l’influence, la prépondérance du génie de la Prusse sur l’Allemagne et comment il fait de celle-ci un élève docile. Sans la Prusse, l’armée n’aurait pas existé et, sans cette armée, il n’y aurait pas eu d’unité possible. « La Prusse n’est pas un État, mais une Armée, » disait hier, à l’American Club, M. Lloyd George. Quant au Militarisme, nous comprenons bien maintenant comment il personnifie toute la nation qui, d’accord avec son chef, a voulu la guerre actuelle et en subira les conséquences et les responsabilités.

L’ancien chancelier ne nie pas qu’en Allemagne même il n’y ait des doctrinaires fâcheux qui souhaitaient ou souhaitent encore l’abolition du militarisme prussien. Mais le présent porte, paraît-il, un coup mortel à leurs désirs et à leurs doctrines. Cet esprit révolutionnaire ne date pas d’aujourd’hui : « C’est à l’énergie de l’empereur Guillaume Ier, remarque M. de Bülow, qu’on doit dans l’armée prussienne le maintien de son organisation première et de son esprit traditionnel et la chance de n’être pas devenue, — comme c’est le cas en France,— objet et sujet dans les luttes politiques intérieures. » Or, jamais l’armée française n’a été plus éloignée de la politique et n’a eu plus de discipline et d’amour de la patrie. M. de Bülow est forcé de le constater lui-même. « Si la conduite de cette armée, dit-il, est digne de tous les respects, et si nous pouvons sans peine reconnaître aux Français le droit d’être fiers des qualités et de la vaillance de leurs soldats, nous sommes cependant fondés à nous féliciter davantage de ce que, fidèle dans son esprit et dans son organisation à ses traditions séculaires, notre armée incarne dans le conflit universel cet amour de la patrie supérieur chez l’Allemand à toute opinion et à toute opposition politique. » Le prince de Bülow appelle un prodige l’énergique unanimité avec laquelle tous les Allemands, sans distinction de parti, acceptent les difficultés de l’heure actuelle pour combattre l’étranger. Il est juste de reconnaître cette énergie et cette constance, mais des fissures se produisent déjà dans le bloc, et les dernières séances du Landtag de Prusse,