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louer avec tant d’audace leur sentiment du devoir et de l’honneur ! Qui donc espère-t-il tromper ainsi ?

« Frédéric-Guillaume Ier continue M. de Bülow, voulut que les liens fussent non moins solides entre l’armée et le peuple, de telle sorte que dans l’armée, Royauté, Peuple et Etat ne fissent qu’un. Prévoyant l’avenir bien au delà des possibilités de son temps, il formula ainsi le premier paragraphe de ses règlemens : « Tout sujet allemand est né pour porter les armes. » C’était le principe du service militaire obligatoire pour tous, et il a été posé non par la Révolution française, mais par la royauté prussienne... L’idée devançait l’avenir, et sa réalisation ne devait sortir que des difficultés que l’histoire de la Prusse allait bientôt connaître. Il fallut sept ans de vie sous les armes pour créer l’amitié entre la royauté, le peuple et l’Etat. » Cette unité a été en effet obtenue par la guerre de Sept Ans et par une discipline rigoureuse qui mata le peuple et en fit un serviteur humble et docile. Mais l’orgueilleuse armée, ainsi créée, subit le contre-coup d’une politique sans énergie et fut vaincue à Iéna par un génie supérieur en tout. Il fallut songer à la revanche et, avec l’aide de Scharnhorst qui s’était pénétré des méthodes et des leçons napoléoniennes, la levée du peuple en masse put s’opérer en 1813 et en 1814. Grâce à lui et à ses successeurs, l’armée prussienne put affronter les orages de la Révolution de 1848 et resta supérieure aux débats dissolvans de la politique. « Le peuple, revêtu de l’habit du Roi, dit M. de Bülow, incarnait fidèlement l’idée de l’État et le pur sentiment national. A cela les générations nouvelles n’ont rien pu changer. La guerre mondiale d’aujourd’hui voit notre peuple en armes plein de cet idéalisme national qui est l’esprit même de notre armée... Parmi les grandes choses dont l’Allemagne est redevable à la Prusse, la plus grande sera toujours l’armée prussienne, cette œuvre des siècles, que les tempêtes n’ont pu que rendre plus solide. Comme il fallait s’y attendre, les Etats allemands s’empressèrent d’adopter l’organisation et les traditions de l’armée prussienne... L’héritier de Frédéric-Guillaume Ier est devenu le chef supérieur de l’armée allemande, de l’Allemagne tout entière en armes. Et tandis que les armées allemandes accomplissent d’incomparables exploits et que notre peuple attend d’elles pour la patrie le magnifique avenir qui le dédommagera de son dur présent,