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raison de penser, parce que tout le peuple allemand est sous les armes, que ce peuple ne pourra pas se révolter un jour contre une organisation tyrannique qui dispose arbitrairement de lui comme d’un instrument mécanique et le soumet à des luttes effroyables, telles que celle dont il est à la fois acteur et témoin. Si la victoire tant promise ne répond pas à son attente, si les sacrifices gigantesques en hommes et en argent, si les souffrances des femmes, des vieillards et des enfans par des privations excessives et par la famine, si la perte d’un matériel immense et les frais inouïs de la guerre actuelle ne sont pas compensés par des dédommagemens certains, par des indemnités colossales, par des annexions et des conquêtes rémunératrices, par des profits, des avantages et des succès notoires et par la reprise d’une prospérité générale, si enfin les promesses ne sont pas tenues et si la défaite et la misère universelle sont les seuls fruits de tant de sacrifices et de tant d’hécatombes, oh ! alors, rien n’arrêtera la Révolution qu’ont préparée les socialistes radicaux ou modérés, et le militarisme, dans sa forme étroite, rigide, autoritaire, tracassière, brutale, aura vécu. Ce ne sera plus un antagonisme, ce sera une séparation violente, ce sera un arrachement. Voilà la vérité !

Pour justifier l’emploi des armes et les violences amenées par elles, le prince de Bülow fait observer que, dès le principe, la question allemande ne pouvait être réglée que par le fer et le sang, et que l’unité allemande était à ce prix. Il fallait en outre que la Prusse fût l’organe de cette action énergique. Aussi, les Etats allemands avaient-ils dû accepter l’organisation militaire prussienne « et fait par là un pas décisif vers la réunion avec l’Etat prussien. L’unification militaire précéda l’unification politique. L’Empire fondé, constate M. de Bülow, la pensée de la solidarité entre les Etats et de l’unité nationale ne s’imposa nulle part plus aisément que dans les rangs de l’Armée. » Mais çà et là cependant persistaient des tendances particularistes. Elles laissaient, paraît-il, l’armée parfaitement indifférente. « Officiers et soldats, au Nord comme au Sud, se sentaient d’abord rattachés à l’armée allemande, à la nation allemande en armes... Le particularisme politique, qui avait fait, durant des siècles, le malheur de l’Allemagne, fut d’abord mis en échec par la nation armée et détruit dans son principe par l’esprit de l’armée. » Cela s’est fait non point de sa