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l’Empereur et sous la conduite d’un corps d’officiers dont l’autorité se fonde sur la moderne aristocratie de l’intelligence, du savoir et de l’éducation, d’un corps d’officiers tout plein du sentiment de cette démocratique camaraderie qui groupe tous les Allemands, sans distinction de métier ni de situation, pour l’accomplissement d’un même et noble devoir et fait d’eux tous des frères aux heures de détresse et de danger. »

C’est là, je le répète, un beau tableau, mais singulièrement embelli par l’auteur. Il suffit d’interroger des prisonniers allemands pour savoir avec quelle dureté, quelle morgue et quelle inhumanité même leurs chefs les ont traités. Il suffit de voir ces chefs eux-mêmes, prisonniers à leur tour, refuser la réunion ou la cohabitation avec leurs hommes et réclamer pour eux-mêmes, avant tous, des avantages et des traitemens particuliers. Là où l’officier français n’a qu’une pensée : se préoccuper d’abord et avant tout de ses soldats, l’officier allemand, qui les considère comme des êtres inférieurs, ne pense qu’à lui seul et ne sait pas du tout ou ne veut pas savoir ce qu’est la camaraderie militaire.

Ceci dit, libre à M. de Bülow d’affirmer que « l’esprit militariste, tel qu’il a été formé par la Prusse et adopté par l’Allemagne est monarchique autant qu’aristocratique et que démocratique. » « S’il venait à changer, ajoute-t-il, il ne serait plus allemand et cesserait d’être l’expression vigoureuse du génie militaire et de la force de l’Empire allemand. » Et se redressant fièrement contre ceux qui contestent ce fait, il s’écrie : « Si nos ennemis, auxquels, avec l’aide de Dieu, il infligera la défaite, bafouent le militarisme allemand, nous savons, nous, que nous avons à le garder précieusement, parce qu’il assure et la victoire et l’avenir. De cette troupe mercenaire de rudes hobereaux qui suivait le bonnet électoral du vainqueur de Fehrbellin, est sortie la grande armée nationale allemande que le monde voit une fois encore victorieuse sous le commandement d’un Hohenzollern qui porte la couronne impériale. L’esprit du XXe siècle se confond avec la gloire des armées prusso-allemandes et sur nos vieux drapeaux brillent, aujourd’hui comme jadis, les mots d’Henri von Kleist, le poète de la liberté allemande et de l’honneur militaire de la Prusse : « Dans la poussière tous les ennemis du Brandebourg ! »

Le couplet est beau, mais il a été chanté trop tôt. Ce n’est pas