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au moment où, sous la poussée irrésistible des Français et des Anglais alliés, l’armée allemande cède Bapaume, Noyon, Péronne, Tergnier, Vimy, Liévin, Lens et autres points réputés imprenables, et où elle accomplit une retraite plus forcée encore que stratégique, qu’il convient pour elle de chanter victoire. La répulsion de presque tous les peuples du monde, France, Angleterre, Italie, Russie, Belgique, Serbie, Monténégro, Amérique du Nord et Amérique du Sud, Chine et Japon contre l’odieux militarisme prussien est devenue une force irrésistible qui en viendra à bout. Ce monstre, — car ce n’est plus une institution guerrière, logique, naturelle, acceptable, — ce monstre qui a commis délibérément tous les excès, toutes les violences, toutes les atrocités et qui, en reculant devant un fer vengeur, souille sa fuite en incendiant, en pillant, en ravageant, en ruinant tout ce qui est encore à sa portée ; oui, ce monstre subira enfin son châtiment et disparaîtra du globe qu’il a trop longtemps souillé. Si c’est avec lui que le prince de Bülow croit pouvoir continuer encore « la Politique allemande, » qu’il lui fasse d’éternels adieux !


Dans la conclusion de la première édition de son ouvrage en 1914, le prince de Bülow établissait que l’Empire allemand, tel qu’il est sorti du baptême de feu de Sadowa et de Sedan, ne pouvait naître qu’au moment où s’étaient rencontrés l’esprit allemand et la monarchie prussienne. Auparavant, dans un travail de dix siècles, les Allemands avaient atteint l’apogée de leur Kultur, mais ils n’avaient rien obtenu en politique. Fidèle à ses convictions, profondément imbu de l’esprit prussien, l’auteur ne perdait pas une occasion de célébrer la puissance et la prééminence de la Prusse. Tout en reconnaissant les mérites des petits pays allemands dénigrés par Treitschke, et en avouant que la vie intellectuelle de l’Allemagne est l’œuvre de l’Ouest et du Sud allemands, il persistait à attribuer à la Prusse seule la création de l’État allemand. Une forte monarchie à la tête n’excluait pas, suivant l’ancien chancelier, une participation active du peuple aux affaires gouvernementales et une communauté de travail entre lui et la Couronne. « Sans doute, cette communauté a ses limites, mais elle ne pourra être élargie, disait-il, que par une éducation politique confiée à des hommes pratiques, d’intelligence