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les triomphes éphémères des Espagnols, les guerres civiles depuis Henri II, les factions qui déchiraient le royaume et se sont évanouies, la faiblesse et la timidité des maîtres devant les serviteurs, qui, cependant, n’ont pas empêché l’autorité de se reprendre et de prédominer, et il s’écrie : « Ces désordres et autres semblables ne devaient-ils pas perdre la France, et beaucoup d’États n’ont-ils pas péri à moins que cela ? Elle a pourtant fait mentir tous les devins ; elle a réfuté tous les politiques ; elle a mis des exceptions à toutes les règles générales et il n’y aurait pas tant de quoi s’étonner qu’un corps dont le tempérament fut mauvais et la constitution déréglée, fût parvenu à une extrême vieillesse par des blessures, des excès et des débauches, que de considérer que cet Etat a duré contre toutes les apparences humaines. C’est notre fortune qui a corrigé tous les défauts de notre conduite ; c’est le hasard qui nous a sauvés ; ou pour nommer notre bonheur plus chrétiennement et pour quitter les termes de l’usage corrompu qui sentent encore le paganisme, c’est Dieu qui a pris un soin particulier de la France abandonnée et a voulu être son Curateur dans la confusion des affaires. C’est sa Providence qui a perpétuellement combattu contre l’imprudence des hommes ; c’est le Ciel qui a fait autant de miracles qu’ils faisaient de fautes. »

Aujourd’hui, les Français, que les Allemands supposaient, avant cette guerre, indisciplinés, pervertis, dégénérés, ont mis résolument en pratique l’antique devise : « Aide-toi, le Ciel t’aidera. » Au premier coup de canon tiré à la frontière, au premier pas de l’envahisseur sur le sol sacré, ils ont senti renaître en leurs âmes la vieille bravoure gauloise et courir dans leurs veines le frisson guerrier. Ils ont oublié leurs divisions et leurs querelles ; ils ont rejeté du pied les théories décevantes et dégradantes, le pacifisme à outrance, la volupté basse, le scepticisme dissolvant, la lâche indifférence. Ils ont voulu connaître et savourer la joie enivrante de la lutte et des périls. A la surprise des Allemands et d’autres peuples, ils se sont montrés, dans leurs élans héroïques, les dignes successeurs de leurs ancêtres, les Francs, qui se glorifiaient avec raison de faire dans le monde les gestes de Dieu.


HENRI WELSCHINGER.