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serait donc dans l’obligation de s’adressera vingt villes différentes et dans l’impossibilité de grouper ses expéditions : perte de temps, perte d’argent, lenteurs coûteuses.

La librairie allemande a senti l’impérieux besoin d’un centre, où tous les éditeurs auraient leur représentant et où ses correspondans d’abord, ceux de l’étranger ensuite, seraient assurés de trouver immédiatement tous les livres désirés. La position de Leipzig, la prospérité de son commerce antérieur, qui, au cours des siècles, avait rendu à tous les Allemands sa route familière, désignaient sans conteste cette ville au choix des éditeurs et des libraires, et ce privilège millénaire, cette manière de monopole, dont l’origine remonte au Moyen âge, tout a concouru à le maintenir et à le développer. N’est-il pas singulièrement significatif que tous les livres édités en Allemagne, que ce soit à Francfort, à Dresde ou à Breslau, puissent arriver à Leipzig franco de port, un libraire de Mannheim qui achète à Leipzig un volume édité à Berlin n’ayant à payer que les frais de Leipzig à Mannheim, tandis que le reste demeure à la charge de l’éditeur d’origine ?

Dans ce centre de Leipzig, où siège le « Borsenverein » des éditeurs allemands, les grandes maisons d’édition ont été ainsi amenées à doubler leur rôle de celui de commissionnaires. Elles sont devenues les intermédiaires indispensables entre tous les libraires de l’Allemagne d’une pari, tous ses éditeurs de l’autre. Bien plus, s’étant rapidement enrichies, elles ont pris par surcroît figure de banquiers. Leurs puissans capitaux leur ont permis de mettre leur appui financier au service de leur clientèle. Aux libraires elles consentent des règlemens à longue échéance, aux éditeurs de second ou de troisième plan, à ceux dont le fonds de roulement est modeste, elles accordent des avances sur le règlement annuel, qui se traite à Pâques, époque où se tient la fameuse foire du Livre.

Les avantages qu’un tel système présente pour l’Allemagne sautent aux yeux. Un libraire détaillant de Hambourg a reçu de ses cliens commande d’une centaine de volumes publiés par des éditeurs semés aux quatre coins de l’Empire. Nul besoin pour lui d’infliger à ses employés une aussi considérable correspondance, ni à lui-même les frais de cent expéditions différentes. Une lettre, une seule lettre adressée à son commissionnaire et filant vers Leipzig, voilà que lui arrivent, groupés et,