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de marchandises du livre. Plus de cinq cents employés s’agitent fiévreusement dans l’immense ruche de Volckmar, bondée, dit-on, de plus de trente millions de volumes. Son dernier catalogue comptait quinze cents pages et trente mille libraires l’ont reçu gratuitement. Rien d’étonnant, n’est-ce pas, à ce qu’une centralisation aussi fortement organisée permette à ces maisons pléthoriques de connaître une fantastique prospérité et il va de soi que, toute l’activité de la librairie allemande étant ainsi drainée vers Leipzig, au jour du règlement, le lundi de Pâques après le Cantate de Quasimodo, dans la Maison des Libraires, les chiffres atteints soient énormes.

En faut-il déduire que le seul salut pour nous, éditeurs et libraires de France, soit une plate, une servile imitation de Leipzig ? Pas le moins du monde. Nous avons à faire œuvre française, donc à créer et non à imiter.


En premier lieu, affirmons-le tout de suite, ce mécanisme, quelque bien étudié qu’il soit et intimement approprié depuis des siècles, petit à petit, aux besoins de l’Allemagne, il est faux qu’il ait pris dans son engrenage, et à beaucoup près, tout le commerce du monde. L’exportation de l’Europe ne passe pas tout entière par Leipzig. On a tendance à le croire. Il n’en est rien. Pour nous, tout particulièrement, l’intérêt est grand de savoir dans quelles proportions la librairie française est tributaire des maisons de commission de Leipzig, quelles quantités de nos livres prennent le chemin de leurs entrepôts et si nous sommes, en (in de compte, soumis à leur hégémonie. La réponse, nous la trouvons dans les tableaux des statistiques que MM. Leclerc et Belin ont si heureusement annexés au rapport qu’ils ont présenté au Congrès. Nos envois de livres en Allemagne ne dépassent pas 10 pour 100 de notre exportation globale. Que l’Allemagne absorbe pour elle-même, pour ses propres besoins intellectuels, une grande partie de ces envois, la chose est incontestable. Notre littérature, nos livres de science et de médecine ont là-bas une clientèle assidue. On nous lit en Allemagne beaucoup plus que nous ne nous plaisons à le croire. Cette absorption d’un dixième de notre exportation par un pays voisin d’une population aussi dense n’a rien d’extraordinaire. Elle est tôt faible, très faible, et de ce qui part de chez nous pour l’Allemagne