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Pour engager la partie contre le livre allemand, voilà certes d’excellens atouts. Mais rajeunir nos méthodes commerciales ne suffit pas ; ne nous dissimulons pas qu’il nous faut parallèlement mener un sérieux effort industriel, bien imprimer et à bon marché, si nous voulons vaincre la concurrence étrangère. C’est au perfectionnement de notre fabrication et de notre outillage qu’il faut dès à présent nous attacher pour en obtenir des moins-values de prix de revient, qui seules nous permettront en fin de compte de l’emporter sur nos rivaux. Lorsque nous aurons pour nos papiers l’alfa qui nous échappait, pour nos encres les quelques couleurs qui nous manquent, pour nos machines l’outillage moderne que la guerre va laisser derrière elle inoccupé, pour nos exportations, enfin, les moyens de transport et les lignes de navigation nécessaires, alors seulement la France pourra ambitionner et conquérir pour le commerce de ses livres la place qui lui est due à l’étranger.

Aux œuvres de nos écrivains, romanciers, poètes, historiens, philosophes, aux travaux de nos savans et de nos médecins, il faut une belle présentation typographique. L’idée française vaut bien d’être habillée avec goût, d’être dignement parée. Il nous faut de bons ouvriers du livre, partant des écoles professionnelles largement dotées, capables de former des élèves experts, travailleurs, consciencieux, économes de leur temps et, comme l’étaient les vieux « typos » d’antan, fiers, amoureux de leur métier. L’École Estienne joue déjà ce rôle et M. Georges Lecomte, son directeur, y a fait de louables efforts pour former en quatre années de travail de jeunes ouvriers ayant du goût, de l’élégance, de l’amour-propre professionnel, toutes les qualités incontestables de notre race. Mais, à l’heure actuelle, son enseignement est encore trop fermé, et il est souhaitable qu’elle l’étende par une entente plus directe avec les ateliers industriels.

Le bon ouvrier d’aujourd’hui, c’est le bon apprenti d’hier. L’apprentissage, grave question ! Le Congrès du Livre l’a inscrite à son programme et étudiée au point de vue de nos industries. M. Auguste Keufer a rédigé à ce sujet un remarquable rapport. Ici tout est à faire ; car de l’ancien statut de l’apprentissage en France il ne reste plus rien. Actuellement l’apprenti, le prétendu apprenti plutôt, court de maison en