Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maison, à la recherche d’un supplément de salaire, bien moins désireux de briller au premier rang du métier, que de gagner plus et plus tôt. Il mange son avenir en herbe. Nul lien solide entre le patron, son maître, et lui. Il arrive un jour, part le lendemain, on ne le revoit plus. Quelles qualités professionnelles peut-on attendre d’une pareille instabilité ? Il est de toute nécessité, pour l’avenir du livre français et le recrutement de ses artisans, que les obligations réciproques du patron, de l’enfant et de la famille soient fixées par le contrat d’apprentissage, prévu par la loi de 1851 avec signature obligatoire. En Suisse, en Autriche, en Allemagne, conducteurs même et margeurs doivent témoigner d’un apprentissage régulier et leur compétence technique s’en trouve fort bien. Comment pourrions-nous demander moins à ceux des professionnels de l’imprimerie, dont le rôle exige plus de connaissances et plus de talent ? Enfin ne convient-il pas que le jeune apprenti prenne en dehors des heures de travail le chemin des cours de dessin, de style, de langues étrangères, que des concours annuels, des expositions de travaux piquent son ambition, que des bourses de voyage, en France et à l’étranger, récompenses des meilleurs, élargissent le champ de sa vision, enrichissent son cerveau ? Pour devenir un bon ouvrier, il faut s’élever au-dessus de son métier, le dominer afin de le mieux comprendre et de l’aimer davantage. Mais sans l’appui du Parlement, que s’assurera, souhaitons-le, le prochain Congrès de l’Apprentissage, les vœux les plus fervens de notre Congrès du Livre ne sauraient être que platoniques.

Reste un autre problème capital : la défense de notre fabrication nationale, la question des droits de douane. Jusqu’à ce jour, une opinion généreuse a toujours prévalu chez tous ceux d’entre nous qui se sont attachés à l’expansion de la pensée humaine dans le monde : la nécessité d’accorder à sa forme imprimée le privilège de circuler librement. Dans tous les congrès internationaux, les éditeurs ont jusqu’ici soutenu, contre leurs intérêts même, qu’aucun obstacle ne devait être apporté à la course des idées, aucune entrave, si légère soit-elle, imposée à la diffusion universelle de la littérature, des sciences et des arts. Pas de frontières pour le livre, qui est à tout le monde. Pas de frontières, donc pas de douanes.

Pas de douanes pour le livre de langue anglaise, ou russe, ou espagnole, ou italienne venant à nous, d’accord. Il ne vient