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brèche ne l’ouvrit. Sa hanteur démesurée, dépouillée de ses pinacles, de ses ornemens de tête, demeura culminante sur le val, juste assez atteinte pour pouvoir offrir aux regards cette auguste qualité que le temps apporte aux choses du passé qu’il touche et qu’il épargne.

La Révolution française trouva Coucy, comme terre seigneuriale, figurant parmi les apanages de la postérité du duc d’Orléans, frère de Louis XIV. La branche de Coucy-Vervins, issue des Coucy de la maison de Boves, se continuait par une descendance directe, où le maréchal Oudinot devait chercher alliance. Mais elle n’avait maintenu qu’un nom. Le noble site était menacé. Louis-Philippe le sauva, bienfait inappréciable. L’Etat, depuis le milieu du dernier siècle, avait pris possession de cette grandeur française.

Une série de circonstances heureuses en avait écarté tout essai de restauration. Des mesures suffisantes préservaient le donjon et son cadre. Coucy, merveille unique, chargeait de magnificence et d’honneur le sommet du promontoire où l’œuvre d’Enguerrand s’enracinait encore pour des siècles.


Dans l’extension de sa gloire, Coucy n’eut pas seulement des seigneurs sans pareils. Son rayonnement se projette sur un sonneur de lyre, un poète de haute espèce, dont la légende s’est emparée pour en faire un héros de la passion.

C’est le personnage énigmatique, trouvère et chevalier, qui se nomma le châtelain de Coucy, et dont les poèmes frémissans, les amours périlleuses, les aventures lointaines et la seconde mort, mélange bariolé de réel et de fable, ont défrayé la tradition, le conte et le roman.

Renaud de Magny, vers le temps d’Enguerrand III, se trouvait « châtelain » de Coucy. Entendons par cela même qu’il n’en était pas seigneur. La fonction de châtelain, équivalente en principe à celle de gouverneur, répondait a une charge que le possesseur d’un château marquant pouvait créer et concéder comme fief. La châtellenie de Coucy, organisée de bonne heure, à ce qu’il semble, au profit d’une branche cadette du lignage, avait passé par alliance dans la famille de Magny, qui tirait son nom, sans doute, du village de Magny-la-Fosse, entre La Fère et Saint-Quentin. Au début du treizième siècle, Renaud, fils de