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parfaite expression la beauté intérieure du château. C’est Enguerrand qui aménage les grandes salles, décore leurs cheminées des statues des neuf preuses et des neuf preux. Le roi Arthur, Charlemagne et Godefroy de Bouillon, les derniers en date, y avaient accueilli Bertrand du Guesclin, leur dixième compagnon. De Sémiramis à Penthésilée, les preuses, consécration suprême, attendaient Jeanne la Pucelle.


La château de Coucy, chose singulière, tel qu’il était sorti de terre au temps d’Enguerrand le Grand, ne subit pour ainsi dire aucun siège en forme jusqu’aux guerres civiles françaises du quinzième siècle. Alors, selon les partis, les coups de force et les surprises furent son lot.

Ainsi, naguère, dormaient encore, sous une tour de la porte de la place d’armes vis-à-vis de la ville, ensevelis dans leurs armures au fond d’une sape mystérieuse et recouverte, tout un groupe de combattans bourguignons du comte de Saint-Pol, surpris par la chute écrasante d’un secteur de muraille. Ainsi La Hire, un jour, à ses débuts, gardant Coucy pour le dauphin Charles contre le duc de Bourgogne, et sorti de la forteresse pour aller battre l’estrade aux environs, trouva-t-il le donjon occupé par les prisonniers qu’il y avait laissés en nombre dans leurs geôles. Quelque complicité intérieure gagnée secrètement à leur cause, les captifs, s’ouvrant les portes l’un à l’autre, avaient égorgé le poste, et tenaient bon dans la tour inaccessible où les rôles avaient changé.

En tant que château seigneurial, Coucy demeurait intact. Dans ses Epitres Héroïques, Antoine d’Asi, avant les guerres d’Italie, en décrit l’aspect superbe. Sous les dernier Valois, Androuet du Cerceau, dans ses Plus excellens bastimens de France, en gravait encore l’image précieuse. C’est comme place d’Etat qu’il apprend l’infortune. La Fronde s’achevant, le démantèlement de Coucy, qui avait tenu contre la couronne et repoussé les troupes royales de La Fère et de Laon, fut décidé par Mazarin. Les mines de l’ingénieur Metezeau, qui avait dirigé le siège de La Rochelle, jouèrent sous les portes et sous les corps de logis. A l’intérieur du donjon, les voûtes des trois étages sautèrent avec le toit, La tour devint un tube gigantesque de pierre creuse. Mais telle était la force de son œuvre, que nulle