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CE QUE LES COLONIES
ONT FAIT POUR LA FRANCE

L’Allemagne attendait de la guerre la conquête de la plus grande partie des colonies françaises ; ses publicistes ne discutaient que sur le peu qu’ils voulaient bien nous en laisser. Lorsque, dans les derniers jours de juillet 1914, le chancelier comptait encore sur la neutralité de l’Angleterre, il assurait sir Edward Goschen, ambassadeur à Berlin, qu’il ne visait aucune annexion territoriale aux dépens de la France ; mais, l’ambassadeur lui ayant posé une question au sujet des colonies françaises, « il répondit qu’il ne pouvait s’engager d’une manière semblable à cet égard [1]. » On n’a pas oublié la noble réponse du ministre des Affaires étrangères britannique datée du 30 juillet ; elle commence en ces termes : « Le gouvernement de Sa Majesté ne peut pas accueillir un seul instant la proposition du chancelier de s’engager à rester neutre dans de telles conditions. »

Dans l’illusion que leur irrésistible puissance terminerait la guerre par une victoire totale en quelques semaines, les Allemands avaient tout préparé, de longue main, pour nous exproprier promptement de nos colonies. Ils estimaient que ce domaine était pour la France une cause de faiblesse ; ils jugeaient que nos troupes et notre matériel de guerre étaient ainsi dispersés à travers toutes les mers du globe ; ils étaient convaincus que, dans chacune de nos possessions, la crainte d’une insurrection des indigènes « accrocherait » au moins les contingens de nos garnisons coloniales : ainsi, pour le succès de leur dessein

  1. Télégramme officiel adressé de Berlin, le 29 juillet 1914, par sir E. Goschen à sir Edward Grey.