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Quelles que soient l’expérience et la patience des fonctionnaires français préposés à ces délicates opérations, ils peuvent être trompés, ou même débordés ; il y eut ainsi en Afrique Occidentale des émeutes locales, particulièrement dans la boucle du Niger et dans le haut Dahomey. A ce moment, les autorités de la côte, démunies par l’envoi en France des meilleurs élémens, ne disposaient pas d’effectifs et d’approvisionnemens sûrs pour une répression immédiate, si bien que le mouvement prit quelque ampleur. M. Clozel, gouverneur général, l’a déclaré lui-même, en ouvrant à Dakar, en décembre 1916, la session du Conseil de gouvernement. Mais les quelques administrateurs et officiers restés dans la colonie, aidés des résidens français partout où il y en avait encore, avaient pu du moins circonscrire les foyers ; puis, avec des troupes de qualité, très peu nombreuses, ils ont repris en main tout le pays.

La provocation germanique trouvait au Maroc un terrain d’élection : un pays incomplètement occupé encore, des dissidens très actifs dans des régions montagneuses d’accès difficile, une complication touffue d’hypothèques internationales grevant la liberté du protectorat français offraient, semble-t-il, des chances exceptionnelles aux pêcheurs en eau trouble. En France on s’était demandé s’il ne conviendrait pas d’évacuer presque tout le Maroc, nous bornant à l’occupation des ports. Le général Lyautey, résident général, se prononça nettement contre ce programme ; il résolut de reporter sur la périphérie toute la défensive, afin d’étendre au maximum la région maintenue sous notre influence, et d’en associer à nous les habitans aussi étroitement que possible : le succès le plus décisif a consacré cette politique hardie et clairvoyante, qui fut d’ailleurs servie par un dévouement aussi ingénieux qu’opiniâtre de tous les Français du Maroc. Les Berbères du Grand Allas, un instant enorgueillis par l’échec que subit un de nos détachemens (El Herri, 14 novembre 1914), furent vite assagis par une riposte foudroyante du général Henrys ; d’autres leçons furent infligées aux tribus du Nord, que des agens allemands ravitaillaient à travers la zone espagnole. Bien que toutes les difficultés ne soient pas encore résolues, on peut dire que, dès le début de 1915, le point mort a été franchi ; le Maroc demeure français, et n’a pas cessé d’apporter une aide substantielle à la métropole ; relevons, comme un symbole, la première visite du résident