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Très éprouvées par les premières rencontres, ces troupes durent recevoir ensuite des renforts de dépôts à peine constitués ; petit à petit, Nord-africains et noirs eurent en France leurs centres d’instruction et de repos, leurs parcs de munitions, leurs hôpitaux, voire leurs mosquées ; des sociétés d’assistance se formèrent pour apporter tous les réconforts possibles à ces braves gens qui versaient généreusement leur sang au service de la France. Plusieurs décrets successifs, de 1914 à 1916, prouvent que l’administration de la guerre a appris à mieux ménager cette ressource excellente, en mobilisant nos indigènes suivant leurs aptitudes et combinant l’intérêt de la métropole avec celui des colonies elles-mêmes, qui sont seulement deux aspects de l’intérêt national. Le système des primes pour engagement et rengagement a été complété par des allocations aux familles des hommes sous les drapeaux ; si différentes que soient des nôtres les coutumes domestiques indigènes, aucune résolution n’a mieux fait comprendre aux populations de nos colonies que tous, sans distinction de sexe ni d’âge, étaient engagés dans la même partie que la grande Puissance protectrice.

On ne peut donner, sur les contingens d’indigènes enrôlés dans nos armées, que des chiffres approximatifs ; les plus vraisemblables ont été réunis par M. Georges Boussenot, député de la Réunion, en une instructive brochure récente [1]. D’après ces indications, les sujets français d’outre-mer ont contribué à la défense armée de la métropole au nombre minimum de 280 000 hommes, dont beaucoup enrôlés dans des corps d’élite ; la fougue des tirailleurs nord-africains et des spahis, partout où ils furent engagés, a été digne de sa réputation légendaire ; des Sénégalais, ainsi qu’un bataillon d’Indochinois, se sont signalés sous Verdun ; d’autres aux Dardanelles. Il est remarquable que partout les premières familles indigènes ont tenu à envoyer au front français quelques-uns de leurs enfans ; plusieurs ont, grade par grade, conquis les galons d’officier, avec les citations les plus élogieuses.

Depuis 1915, le recrutement n’est plus appliqué seulement pour la relève des combattans ; d’autres engagemens ont été provoqués, qui ont affecté des milliers d’indigènes à nos services

  1. La France d’Outre-mer participe à la guerre, Paris, Blum, 1916.