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hostilités sont unanimes sur ce point ; autant ils expriment une juste défiance à l’égard d’une législation brutalement importée de la métropole, et visant à conférer aux indigènes le statut exact du citoyen français, autant ils recommandent un système politique qui appellera des indigènes, sous des formes non précisées encore, à prendre leur part de l’administration des colonies. Aussi bien cette préoccupation apparaît-elle aujourd’hui chez les Anglais pour l’Inde, chez les Hollandais pour la Malaisie ; elle tend à une adaptation du régime judiciaire et fiscal, à la diffusion d’un enseignement conforme à la mentalité des indigènes, déférent pour leurs traditions et pourtant imprégné d’une volonté de progrès. Scellée dans les douleurs de la guerre, l’association doit être demain plus intime, plus spirituelle, mieux qu’une formule d’école et de bureau.

Cette association s’enracinera solidement dans le cadre d’intérêts solidaires. Sachant ce que nos colonies ont fait pendant la guerre pour soutenir le ravitaillement national, il convient de les considérer comme complémentaires de notre territoire d’Europe, et de les outiller en conséquence. Au mois de juillet dernier, l’Union Coloniale Française adressait au président du Conseil une lettre exposant que, sur 4 700 millions de matières premières importées en France en 1913, beaucoup pourraient être demandées à nos colonies, au grand bénéfice de notre change, de notre industrie et, si nous savons nous imposer quelques innovations désirables, de notre marine marchande. Un délai très court suffirait pour organiser l’importation en grand des bois, oléagineux, grains, fruits, viandes ; une mise en train de cinq à dix ans, à partir d’aujourd’hui, aménagerait nos colonies en réservoirs toujours garnis de laine, coton, minerais, café, caoutchouc, etc. Tout ceci suppose que le capital français, qui fut si complaisant naguère à des entreprises étrangères, nous dirions même exotiques, sera sollicité vers nos colonies et qu’en même temps nous formerons, par une éducation appropriée, le personnel capable de lui assurer, en terre nationale d’outre-mer, des emplois rémunérateurs, cadres français, peu nombreux, et main-d’œuvre indigène.

Les échanges des colonies avec l’Europe, pendant la première année de la guerre surtout, ont beaucoup souffert de la suppression du pavillon allemand ; notre flotte de commerce s’était partout laissé distancer ; de Hambourg, importes par vapeurs