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est essentiellement aristocratique et réfléchi, s’est préoccupé d’être exact et complet, ce qui a pu un peu arrêter ses facultés d’invention sans diminuer d’ailleurs la beauté de certains de ses récits. Tous deux ont illustré la définition du patriotisme qui est dans les Carolins : « Cela commence lorsque enfant on compte les clous et les nœuds de bois du plancher... Cela commence par une graine et finit par un grand arbre. C’est d’abord la chambre des enfans, puis cela grandit, ce sont plusieurs chambres, toute une maison, toute une province, tout un pays... Et, hors de ce pays, l’air et l’eau perdent toute fraîcheur. »

La démarche de cet éditeur demandant à deux grands poètes d’écrire des livres de ce genre pour les écoliers était un symptôme de la renaissance patriotique en Suède. Verner de Heidenstam a l’honneur de l’avoir déterminée ; il n’est pas seul à l’avoir fait naître ; mais il est vraiment celui qui a, le premier, le plus brillamment, le plus consciemment, marché dans cette voie. Il a exprimé son amour pour son pays, il a rendu à la Suède des formes littéraires qui convenaient à son génie, mais surtout il a montré quelle source de poésie pouvait être l’histoire et il a tiré des annales suédoises des thèmes auxquels son talent original a donné un puissant relief. Il faut connaître les choses suédoises pour savoir combien, quoiqu’elle ait toujours eu d’excellens historiens, la Suède, il y a vingt ans, prenait peu d’intérêt à son propre passé et préférait à son patrimoine ce qui venait de l’étranger.

D’autres comme Selma Lagerlöf, ont répandu sur la terre suédoise d’innombrables légendes. D’autres comme l’historien Hjärne et l’archevêque Soderblom ont donné des formules en communiquant par leurs paroles et par leurs écrits l’ardeur politique et religieuse qui les animait. Les artistes, comme Zorn, Liljefors et Cari Larsson, ont fait admirer la nature suédoise, la maison et le vêtement du paysan dans l’éclat de leur brillante couleur. Ils ont achevé ce que l’auteur des Carolins avait commencé. Ce nationalisme a fini par pénétrer partout : il n’est pas en Suède petite boutique ni intérieur bourgeois où l’on ne découvre aujourd’hui dans le choix des gravures et des meubles les signes de cette tendance nouvelle qui porte les Suédois à glorifier leur sol et leurs traditions.

Il faut reconnaître que ce beau mouvement a en partie