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d’Aristote ; Perrault l’appelait « l’homme du monde qui a le goût le plus fin et le plus délicat pour toutes choses ; » Tallemant des Réaux écrivait : « Il en sait plus que personne ; » et Donneau de Visé, sur le point de le combattre, se disait « un petit David attaquant Goliath. » Il n’était assurément ni sot ni dénué de littérature. Les Conjectures prouvent assez qu’il possédait, mieux qu’un lettré ordinaire, les grands et les petits auteurs de l’antiquité. Pour accomplir les devoirs de son état, il a prononcé des sermons qui, dit-on, lui auraient valu la renommée d’un orateur sacré, si d’autres soins ne l’avaient requis. Mais n fut précepteur et devint l’homme d’affaires du jeune duc de Fronsac, fils du maréchal de Brézé, neveu du cardinal de Richelieu. Et Richelieu le fit travailler pour la scène. Et, quand son élève, le duc de Fronsac, reçut le titre de grand amiral, Hédelin « travailla dans les affaires de la mer » et prit part à des « négociations politiques importantes. » C’était, dit Chapelain, « un esprit tout de feu qui se jetait à tout. » Vers l’année 1654, il eut l’idée, peut-être saugrenue, de fonder une académie des Belles-Lettres, et dont les membres se réunissaient le premier jour de chaque mois pour examiner les ouvrages d’éloquence et de poésie ; une académie véritable, pour laquelle Hédelin demanda la protection de Sa Majesté. A l’appui de sa requête, il présentait dix-huit argumens, qu’il serait un peu long d’énumérer. Les belles-lettres, disait-il, sont en péril : c’est la faute de nos « doctes maîtres, » qui sont chargés d’instruire le public et ne l’instruisent pas à merveille. Ils s’attachent opiniâtrement aux maximes que les anciens ont laissées dans leurs écrits, se persuadent qu’ils tiennent ainsi la vérité universelle et refusent de rien chercher au delà. Ils condamnent ce qui ne s’accorde point à l’opinion dès longtemps reçue : et, du moment qu’une proposition leur est nouvelle, ils la rejettent. Une trouvaille, ils la détestent et lui préfèrent une erreur un peu vieille ; les plus démonstratives « expériences » ne les touchent pas. D’Aubignac, on le voit, se pose en vif ennemi de la routine, que d’autres nomment tradition. C’est au nom des « nouveautés » qu’il se dresse : et il se présente au Roi lui-même, qui eut soin de ne pas l’écouter, comme le réformateur indispensable. Dès l’enfance, il montra — le goût de la révolte, serait trop dire, — au moins le goût de l’originalité, une désinvolture assez coquette. Il raconte plus tard qu’à peine avait-il onze ans et commençait-il d’entendre le latin, son plaisir fut d’éconduire ces « petits pédagogues triobolaires » qui enseignent aux garçons les principes des langues mortes. Il décida que les livres lui suffisaient et se mit tout seul, délibérément,