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Les révolutions, comme les tremblemens de terre, se propagent par ondes qui vont s’affaiblissant. Par le grand ébranlement russe, l’Allemagne même a été secouée, ou obligée à feindre de l’avoir été, car la sincérité de ses social-démocrates et de ses radicaux d’antichambre est douteuse. Il n’empêche que Guillaume II, ne fût-ce que pour se donner figure de souverain libéral et pour soutenir le personnage que son chancelier s’est mis en tête de lui faire rétrospectivement représenter, du prince qui prodigue aux autres les bons conseils, a dû rendre un rescrit, en tant que roi de Prusse, promettant à son peuple la réforme du Landtag. Ce n’est qu’un engagement à terme, valable seulement après la guerre, mais il se pourrait que, sous la pression des circonstances, l’échéance s’en rapprochât. On connaît le système électoral par lequel est nommé le Landtag prussien ; à base jalousement censitaire, vraie pyramide d’impôts, dit système « des tiers, » et que Bismarck proclamait sans ambages, tout en le maintenant sans vergogne : « le plus misérable des régimes électoraux. » Il s’agit, pour les uns, du moins ils le font sonner haut, de lui substituer le suffrage universel, égal, direct et public ; pour d’autres, de trouver un compromis, un moyen terme, entre cet expédient démodé et le suffrage universel. Une Commission va s’en occuper ; c’est tout ce qu’on en peut dire, et c’est en dire tout. En 18i8, 1849 et 1850, une autre Commission s’est occupée déjà de quelque chose de pareil ; Frédéric-Guillaume IV lui préféra ses chasseurs et ses grenadiers. Cependant les grèves se multiplient et tournent à l’aigre, notamment dans les usines métallurgiques, à Berlin, à Essen, à Hambourg, un peu partout en Allemagne. Autant qu’on peut le discerner, elles procéderaient de deux causes. Il y aurait d’abord une question d’estomac, une Magenfrage, question redoutable en tout temps et en tout lieu, terrible en Allemagne, particulièrement en ce temps-ci. Et il y aurait, en outre, une question politique, mais ce pourrait n’être qu’une comédie. Sans vouloir faire une assimilation forcée, remarquons que c’est ainsi que la révolution russe a commencé et, au surplus, que toutes les révolutions commencent. La tête ne s’échauffe jusqu’à l’explosion que quand l’estomac se refroidit. A quoi le gouvernement prussien se flatte d’obvier en prenant des airs généreux, en invoquant ou évoquant « la royauté populaire des Hohenzollern. » Nous connaissons l’antienne ; tous les théoriciens et les juristes des neuf universités de la Prusse l’ont chantée. Elle n’est que la paraphrase d’un mot du Grand Électeur, disant en latin (puisque, jusqu’à Frédéric II, les rois de Prusse n’ont point aimé à parler allemand) : « Sic gesturus sum