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principatus, ut sciam rem esse populi, non privatam. » Ce n’est donc que la glose d’un texte. Elle vaut ce qu’elle vaut : pratiquement, effectivement, elle ne vaut rien. Pas plus que ne vaut la chimère d’une future « démocratie allemande. » Un de nos meilleurs historiens s’impatiente et presque s’indigne de l’illusion qui tend à séparer l’un de l’autre et à opposer l’un à l’autre le peuple allemand et le gouvernement impérial ou le militarisme allemand, celui-ci agressif, hargneux et odieux, insociable, et l’autre qui, libéré, pourrait rentrer en grâce dans la « société des nations. » Il n’y a pas, selon lui, de plus pure ni de pire utopie, de construction d’esprit plus anti-historique. Comme si la guerre n’était pas l’industrie nationale de la Prusse, et comme si l’Allemagne pouvait sinon se concevoir, du moins se réaliser autrement qu’à l’état de nation militaire ! De par les lois profondes de sa nature et de son être, elle y est éternellement condamnée, et la « démocratie allemande, » à ce point de vue, serait exactement ce qu’est l’Empire allemand : un voisin avec lequel on ne saurait ni traiter en confiance, ni vivre en sûreté.

Mais le monde entier, — les neutres presque autant que les belligérans, — souffre et témoigne par des crises d’un trouble qui va de l’inquiétude à l’angoisse, d’un malaise croissant aux plus cruelles douleurs. En cette seule quinzaine, nous en avons eu ou nous avons failli en avoir quatre ou cinq. Après la crise suédoise, par laquelle le ministère Swarz a remplacé le ministère Hammarskjoeld, sans que la différence entre les deux fût très sensible, si ce n’est en ceci que le nouveau président du Conseil serait plus porté que l’ancien (qui, du reste, contrariait là-dessus l’inclination de son propre ministre des Affaires étrangères, M. Wallenberg) à conclure une convention maritime avec l’Angleterre, nous avons eu la crise autrichienne avortée. Trois ministres, deux Allemands, MM. Urban et Baernreither, un Slave, M. Bobrinsli, avaient paru sortir du Cabinet Clam-Martinitz ; mais les deux Allemands sont revenus, M. Bobrinsky est resté dehors. Ce n’est qu’un incident, mais qui pourrait bien envelopper le conflit toujours latent et de plus en plus aigu, dans la Monarchie, des nationalités et des langues. A cet égard, il se trame, à Vienne, on ne sait quoi : peut-être une espèce de home rule, polonais ou galicien, qui expulserait doucement du Reichsrath, où ils disposent de la majorité, en la déplaçant à leur gré, les représentans de ces provinces, sous couleur de leur octroyer des institutions nationales et un parlement autonome. La position du ministère Clam-Martinitz n’en reste pas moins précaire et chancelante. Sur l’autre rive de la Leitha, dans le