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de dépêches qui annonçaient la reddition de Metz, la capitulation prochaine de Paris et la fin de la guerre, la ville se rendit le 8 novembre, mais la garnison obtint les honneurs militaires et sortit musique en tête et enseignes déployées. Libres, les officiers préférèrent demeurer prisonniers avec leurs hommes.

Verdun a vu les armées de Charles-Quint, du duc de Brunswick et du prince de Saxe ; elle n’a pas vu, elle ne verra pas l’armée du Kronprinz. La bataille qu’elle soutient depuis bientôt huit mois, la plus longue bataille de tous les temps, comme elle a fait apparaître sous les démolitions l’ancienne ceinture de fortifications qui datait du temps des princes-évêques, met en relief l’intelligence prévoyante des fondateurs de la force française qui marquèrent sur ses collines la limite des invasions descendues des Ardennes par le couloir de la Meuse.

Après ses échecs de la Marne et de l’Yser, l’Allemagne se recueillait sur son front occidental. Etonnée d’avoir manqué le coup de surprise que semblaient lui garantir sa préparation directe à la guerre et son avance industrielle, sachant bien que son principal adversaire était là, elle renouvela patiemment son outillage et décupla sa production. L’année 1915 confirma la confiance qu’elle gardait dans sa force : n’avait-elle pas contraint les Russes à reculer en Galicie, pris la Pologne et la Courlande, mené de concert avec l’Autriche et la Bulgarie l’écrasement de la Serbie ? Alors, elle revint au plan primitif qui, seul, pouvait amener la solution de la guerre, et le 21 février, avec la plus formidable accumulation de moyens matériels qui ait jamais été réunie sur un même point et qui représentait le travail préparatoire de plus d’une année, elle attaqua le saillant que notre secteur de Verdun creusait dans ses lignes. La chute de Verdun lui devait-elle rouvrir la route de Paris, comme l’indiquait cette carte trouvée sur un prisonnier le 23 juin et qui raccourcissait à dessein les distances de la forteresse à la capitale, ou l’Allemagne pensait-elle se rabattre sur la Lorraine ? Elle croyait le succès certain. Elle put le croire pendant cinq jours. Aujourd’hui, 13 septembre, plus de deux cents jours se sont écoulés depuis son attaque, près de cinq cent mille de ses soldats ont été mis hors de combat, et au cœur même de la ville qu’elle convoitait, voici que le président de la République française et les représentans des Puissances alliées vont célébrer tranquillement,