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se livre, fragmentée en mille actions diverses. Mais ne faut-il pas se hâter de recueillir, quand on le peut, les témoignages de la tradition, soit écrite, soit orale, sur chacune de ces mille actions ? Sans doute cette tradition est-elle susceptible d’être complétée et remaniée. Sans doute n’est-ce là qu’une chronique qui n’engage que le chroniqueur. Du moins l’ai-je recueillie avec dévotion partout où j’ai eu l’occasion de la surprendre dans toute sa fraîcheur première, avant qu’elle ait pu s’altérer.

Après les Derniers jours du fort de Vaux, n’était-il pas indispensable d’écrire le récit de la victoire qui acheva la longue et dure bataille de Verdun ?...


DANS LA CRYPTE DE VERDUN
(13 septembre 1916)

Verdun est une vieille ville qui, depuis l’époque romaine où elle s’appelait Virodunum, fut l’un des remparts du monde occidental contre les invasions germaines. Lors du démembrement de l’empire carolingien, elle a donné son nom au fameux traité de 843 qui détachait du royaume de France les Trois-Évêchés pour les adjuger à l’empereur Lothaire. Il faudra des siècles de sagesse politique et d’esprit de suite pour réparer cette faute qui ouvrait les portes aux Barbares. Une Allemagne qui se revendique de l’ancien Empire veut trouver dans cette erreur du passé l’origine historique de ses convoitises, oubliant que, dès le Xe siècle, la possession impériale était supprimée et que Verdun devenait l’apanage des princes-évêques, tandis que le comté de Bar rentrait, un peu plus tard, à son tour, sous la suzeraineté du roi de France. Assiégée par les armées de Charles-Quint (1544), Verdun fut reprise par Henri II (1559) et, de fait, définitivement annexée au royaume, en sorte que le traité de Westphalie ne fit que confirmer un état de choses établi depuis près de cent ans. Cet état de choses, la nécessité pour la France de se garder l’avait créé. En 1792, Verdun, trahie, ne fut occupée que quarante-trois jours, et les traîtres qui l’avaient livrée furent punis de mort. En 1870, cernée et bombardée des le 13 octobre, malgré une sortie heureuse qui occasionna des pertes sérieuses aux assiégeans, trompée par la communication