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d’armes, a, depuis le commencement de la bataille, fait les honneurs de la pittoresque salle à manger, qui réunit la majesté d’une nef à l’éclat et au parfum d’une rôtisserie, à des princes, à des généraux, à des ambassadeurs, à des écrivains, à des représentans de la presse française, alliée ou neutre. Des discours historiques ont été prononcés ici. Evoquer la vie de la citadelle ne sera pas un des chapitres les moins curieux de la chronique de Verdun. N’y ai-je pas entendu M. Athos Romanos, ministre de Grèce à Paris, venu, il est vrai, en son nom personnel et non pas officiellement, qui, en présence de Maurice Barrès et de l’état-major de la place d’armes, apporta dans le plus noble langage et avec une émotion chaleureuse le salut de son pays à la ville assiégée ? C’était le 4 avril. Après ses attaques frontales sur la rive droite du 21 février aux premiers jours de mars et sur les deux rives du 6 au 12 mars, l’ennemi avait multiplié durant tout le mois précédent les attaques locales sur le fort et la région de l’étang de Vaux, sur le bois de la Caillette, sur les bois de Malancourt et d’Avocourt. Il s’acharnait alors sur nos positions d’Haucourt et de Béthincourt qui servaient de défense à la cote 304. Déjà Verdun fixait l’attention du monde qu’elle devait si longtemps retenir. L’entrée dans la citadelle, par une porte repérée et souvent battue, n’avait pas été sans vacarme. Le général Dubois, souriant, avait offert à ses hôtes le tour du propriétaire à travers les ruines qui, çà et là, fumaient encore. Ceux-ci, pour venir de Bar-le-Duc, avaient suivi la fameuse voie sacrée qui alimentait de ses camions automobiles toute la bataille. Mais, quand ils pénétrèrent dans le réfectoire voûté, quel ne fut pas l’étonnement des visiteurs en voyant la table jonchée d’œillets blancs et rouges ? Les jardins de Verdun continuaient de fleurir. Et le toast de bienvenue qui les accueillit, rappelant les souvenirs classiques que les Grecs d’autrefois nous avaient transmis, comparait aux gardiens des Thermopyles les défenseurs de Douaumont et de Vaux. Les Grecs d’autrefois : à peine le sourire du général avait-il souligné l’ironie...


Le dernier « civil » venu à Verdun, avant ce mémorable 13 septembre, fut M. Lloyd George, le ministre de la Guerre britannique. Voici cinq jours qu’il y fut reçu. Un des officiers