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qui ont assisté à la visite me raconte, pendant que nous attendons devant la forteresse, l’impression qu’il en a gardée. La plupart des assistans ne savaient pas l’anglais et M. Lloyd George ne parle pas le français. L’interprète de l’état-major traduisit en hâte ses paroles en s’efforçant d’en maintenir l’accent. Cet interprète est un érudit qui se passionne pour les finesses du langage. Il comprit, dès qu’il eut regardé et entendu le ministre, que la difficulté serait de communiquer à une traduction ce frémissement de l’âme qui fait palpiter sa phrase. M. Lloyd George est célèbre pour avoir multiplié dans son pays les fabriques d’armes et de munitions et allumé au service de la guerre toutes les usines de la Grande-Bretagne. On s’attend à découvrir en lui ces qualités de commandement, d’aisance, d’activité physique que révèle l’extérieur d’un grand entrepreneur ou d’un grand industriel. Et l’on se trouve en présence d’un petit homme sans recherche et de peu d’apparence. Mais les yeux brillent d’une flamme où l’on croit voir le reflet de tous les hauts fourneaux d’Angleterre. Dès qu’il parle, une sorte d’exaltation quasi religieuse s’empare de ceux qui l’écoutent. Il est de ce pays de Galles, de même race celtique que notre Bretagne, et comme elle chargé de légendes. Il habite le monde des idées. Et les idées, au cours de cette guerre, ont continué de mettre leur empreinte sur la matière.

Après le toast du général Dubois, toujours ingénieux et disert, qui avait remercié le représentant du gouvernement anglais du témoignage qu’il venait rendre aux défenseurs de Verdun, on vit se lever presque avec impatience ce petit homme grave et ardent ensemble. On eut aussitôt la sensation qu’il se passerait quelque chose d’important, de solennel. Ce qu’a dit M. Lloyd George dans cette casemate de la forteresse intacte après deux cents jours de siège, l’univers entier l’a appris. Il faut pourtant que sa péroraison soit ici répétée :

« Le nom de Verdun suffira à évoquer dans l’histoire de tous les siècles un souvenir impérissable. Aucun des grands faits d’armes dont l’histoire de France est remplie ne témoigne mieux des plus hautes qualités de l’armée et du peuple français, et cette bravoure, ce dévouement à la patrie, auxquels le monde a toujours rendu hommage, se sont renforcés d’un sang-froid, d’une ténacité qui n’ont rien à envier au flegme britannique.