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« Le souvenir de la victorieuse résistance de Verdun sera immortel, parce que Verdun a sauvé non seulement la France, mais notre grande cause commune et l’humanité tout entière. Sur les hauteurs qui entourent cette vieille citadelle, la puissance malfaisante de l’ennemi est venue se briser, comme une mer furieuse sur un roc de granit. Elles ont dompté la tempête qui menaçait le monde.

« Pour moi, je me sens remué profondément en touchant ce sol sacré. Je ne parle pas en mon nom personnel : je vous apporte l’admiration émue de mon pays et de ce grand Empire dont je suis ici le représentant. Ils s’inclinent avec moi devant le sacrifice et devant la gloire.

« Une fois de plus, pour la défense des grandes causes auxquelles son avenir même est attaché, l’humanité se tourne vers la France... »

— Il parla sur un ton extatique, me rapporte le témoin qui rassemble pour moi ses souvenirs tout frais, comme un prêtre récite les prières de l’office. Nous n’avions pas besoin de, comprendre ce qu’il disait pour deviner qu’il s’agissait de sacrifice et de gloire. Et, quand il eut terminé son discours, il leva son verre et par trois fois il prononça en le renforçant, comme une invocation de plus en plus ardente, comme une incantation, ce mot unique : France ! France ! France ! Nous nous sommes tous trouvés debout. Je m’étais levé sans y prendre garde et tous mes camarades avaient dû se lever ainsi : une émotion indicible nous étreignait, un frisson d’amour nous secouait. Nos peines n’existaient plus : il n’y avait plus que la cause à laquelle nous appartenions corps et âme, et que ce mot prononcé avec un accent guttural revêtait, non d’une majesté plus auguste, mais d’un mystérieux manteau, d’admiration étrangère...


La vieille citadelle est parée. La voûte du couloir d’accès disparaît sous les drapeaux. Celle de la casemate réservée à la cérémonie, j’allais dire au culte, est tapissée de lierre. Les ampoules électriques se suspendent comme des fruits à cette verdure. Les parois sont pavoisées aux couleurs des nations alliées et décorées de panoplies. Une estrade, au fond, est dressée avec une assemblée de fauteuils rouges.