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— Chevauche, Charles : la clarté ne te fera point défaut. Tu as perdu la fleur de la France, Dieu le sait. Mais tu peux maintenant te venger de la gent criminelle.


L’Empereur remonte à cheval. Le soleil s’immobilise dans le ciel. Et les Français ont le temps, avant que la nuit tombe, d’écraser l’armée ennemie. Le comte Roland, les douze pairs de France et leurs compagnons sont vengés.

« Il a beaucoup appris, dit le vieux poète, celui qui connut la douleur. » Mais il ajoute que le cri des Français est Montjoie et qu’aucune nation ne leur peut tenir tête.

L’olifant de Roland a fait trembler les Pyrénées, tandis que le fort de Vaux n’a adressé que des appels muets, par le vol de ses pigeons ou par ses signaux. Les trompettes de Charlemagne ont rempli de terreur l’armée sarrasine, avant que l’ombre de l’Empereur n’apparût dans le soir prolongé : l’armée allemande devant Verdun sera soudainement avertie, par le vacarme de plus de 600 bouches à feu entrant en action le 21 octobre, de la menace qui pèse sur elle et qui va la balayer pour la délivrance de Douaumont et de Vaux.

Après les grandes actions du 23 juin, du 11 juillet, du 1er aoùt, du 3 septembre devant Souville, après les durs combats de Thiaumont et de Fleury, il semble, au mois d’octobre, que la bataille de Verdun se meurt. Les communiques ne lui mesurent plus qu’une place restreinte. Pour nous n’a-t-elle pas rempli son rôle en barrant la route à l’ennemi, en retenant et usant ses forces, en permettant aux Alliés de réaliser leur plan d’offensive générale ? Et pour les Allemands, contraints de faire tête sur la Somme et de parer au désarroi de l’Autriche, n’acceptent-ils pas, avouant leur échec, de rester sur leurs positions ?

Mais cette stagnation, succédant à l’effroyable duel de plus de six mois dont les différentes phases ont passionné l’univers au point de substituer une bataille d’opinion à la bataille stratégique, ne peut être qu’une apparence. Les positions mêmes occupées par l’ennemi ne lui permettent pas de renoncer à Verdun. Il n’est pas assez éloigné de Souville et de Froideterre pour n’en pas subir la hantise. L’orgueil et la tactique, le regard du monde et la manœuvre montrent les mêmes exigences. Le 21 juillet, le Kronprinz, haranguant un régiment, le 53e de la 50e division, l’a dit, après avoir rappelé les efforts