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« C’est par le feu et non par le choc que se décident aujourd’hui les batailles, » constatait déjà Napoléon. Dès avant la préparation directe de l’opération du 24 octobre, notre artillerie empêche l’ennemi de mettre en état un sol bouleversé par les combats de juillet, d’août et du commencement de septembre : ainsi ne dispose-t-il que de rares boyaux pour gagner sa première ligne. Qu’on se rende compte, pour l’emploi de l’artillerie, des difficultés du problème qui consiste à disposer sur le terrain le nombre de batteries estimées nécessaires, souvent sur plusieurs lignes successives, dans tous les emplacemens favorables, à les dissimuler aux vues aériennes, à combiner les moyens de transport pour les innombrables tonnes de munitions qu’exige la consommation de la guerre actuelle, à abriter pièces, servans et munitions pour les préserver des vues et du tir ennemi. Il faut, en outre, étudier minutieusement les objectifs à battre, par les moyens les plus scientifiques : photographies, instrumens d’optique perfectionnés, etc. installer les communications sûres qui permettent aux observateurs et aux cadres d’opérer en tout temps, malgré les bombardemens ennemis les plus violens, suivre, au fur et à mesure des destructions obtenues, l’état des travaux de l’adversaire, surveiller les réfections ou les ouvrages nouveaux qu’il improvise, repérer les batteries qu’il renforce ou qu’il déplace, afin de pouvoir les combattre efficacement. Le travail de l’artillerie réclame une précision mathématique en même temps qu’une direction qui se peut comparer à celle du chef d’orchestre par qui la partition est interprétée et de qui les instrumens reçoivent la mesure et l’élan Et quelle savante orchestration que celle-ci où, de l’artillerie lourde à grande portée à l’artillerie de campagne et aux engins de tranchées, chaque batterie, chaque canon doit tenir sa partie ! L’accumulation des moyens matériels ne vaut que par la rigueur de l’organisation qui les met en œuvre. Cette organisation, dans la bataille de Douaumont-Vaux, atteint par son agencement et sa régularité la perfection.

Non moins étudiée est la série des ordres qui fixent les différentes phases de l’attaque. Le commandement a décidé d’atteindre un objectif qui, sur un front de 7 kilomètres, constituerait un gain de 3 kilomètres de profondeur en moyenne, des carrières d’Haudromont à l’Ouest à la batterie de Damloup à l’Est, en y comprenant les forts de Douaumont et de Vaux ;