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besoin de pouvoir compter sur un nombre considérable de commandes sans qu’il soit appelé à modifier en quoi que ce soit ses méthodes, ainsi que cela se produit en Angleterre ou en Amérique. Ce n’est malheureusement pas le cas en France où chaque firm a ses petites manies et exige des spécifications personnelles. Pour bénéficier donc de la construction en série » il faut que les propriétaires de navires modifient leurs habitudes. Quand ils commanderont, par exemple, un cargo de 3 000, 6 000 ou 12 000 tonnes, qu’ils ne demandent pas dans les plans arrêtés des modifications entraînant de nouvelles études et des changemens dans l’établissement des chaudières, des machines ou même de la coque. C’est une condition sine qua non. Ce défaut n’est malheureusement pas spécial à la marine marchande : la flotte de guerre en a souffert autant, sinon plus qu’elle.

Quelles sont maintenant les difficultés que rencontre l’armement français, dès qu’il s’agit de faire naviguer le vaisseau ? Une des premières consiste dans les formalités relatives à la constitution légale de l’équipage pour que le navire obtienne ou plutôt conserve le bénéfice de la francisation. La population du bord vit forcément dans un état social et administratif exceptionnel. Il est donc logique « que ce régime dérogatoire à tout notre statut personnel ne puisse s’établir sans le concours des pouvoirs publics. » L’acte de navigation du 2 septembre 1793 impose à l’armateur que le capitaine, les officiers et les trois quarts de l’équipage soient français. Cette restriction, qui a été confirmée, par décret du 28 janvier 1857, pour le personnel de la machine, ne se trouve pas dans la plupart des législations étrangères. En Allemagne, en Angleterre, en Belgique, en Danemark, en Norvège, dans les Pays-Bas, en Suède, c’est-à-dire dans toutes les marines prospères, aucune règle ne lie l’armement à cet égard. Il n’y a qu’en Espagne, en Italie et au Portugal, dans les pays de race latine, que l’on retrouve des dispositions analogues. Encore, en Italie et au Portugal la réglementation est-elle beaucoup moins sévère que chez nous. La règle de composition de l’équipage constitue une gêne très sérieuse pour l’armement français, surtout pour les navires pratiquant une navigation lointaine. Lorsqu’il s’agit de remplacer des officiers par suite de maladie ou de décès, ou lorsque le remplacement porte sur une proportion