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la constitution organisée, hiérarchisée de l’équipage et la subordination de tout ce qui se meut à bord à l’autorité du capitaine [1]. » Cette vérité élémentaire n’a jamais été contestée. Depuis la plus haute antiquité, la police des équipages à bord des navires de commerce a été soumise à un régime pénal exceptionnel. Celui-ci ne s’applique d’ailleurs qu’à certains faits déterminés troublant l’ordre maritime et il abandonne autrement ses justiciables aux tribunaux de droit commun, sauf en ce qui concerne les premiers actes d’instruction dont, et c’est assez naturel, l’autorité maritime est appelée à connaitre en premier ressort.

Un décret-loi du 24 mars 1852, modifié en 1898 et 1902, institue et règle ce régime pénal. Dans la séance du 6 février 1903, mon ancien collègue, M. Pelletan, a prononcé à la Chambre des Députés un réquisitoire violent contre ce décret. « Le rétablissement d’un vieux droit barbare, disait-il, ne laisse pas seulement l’inscrit maritime soumis à une broussaille inextricable de règlemens plus ou moins anciens dans lesquels il est temps de porter la lumière et la hache, mais encore il traîne toute sa vie comme un débris de la discipline militaire au profit d’exploitations privées qui n’ont aucun droit à un tel privilège. » Le décret-loi, encore qu’il ait besoin de certaines retouches, assura jadis la prospérité de notre marine. Il ne mérite point de semblables anathèmes.

Il est essentiel, en effet, que la discipline de l’équipage soit imposée par des sanctions particulières. Or, depuis que M. Pelletan a, du haut de la tribune du Palais-Bourbon, lancé l’interdit contre le décret de 1852, celui-ci reste lettre morte. Tous les ministres qui se sont succédé après M. Pelletan ont hésité à appliquer aux inscrits les peines prévues non seulement pour des faits de désertion, mais encore pour les délits ou crimes en général commis au cours de la navigation. Les plaintes adressées par les capitaines à l’autorité maritime et dénonçant les faits les plus graves n’ont reçu aucune suite et le plus souvent pas même un accusé de réception.

Les conséquences de cet état de choses sont bien connues. J’ai déjà eu l’occasion de les exposer à cette même place au moment où les grèves fréquentes, qui éclataient dans le port de

  1. Fournier, Traité sur l’Inscription maritime.