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au succès des entreprises de navigation. C’est un devoir pour moi de le dire. Il y va de l’avenir même de notre flotte marchande.


LE TRAVAIL À BORD

Le travail à bord des navires semblait, en raison de sa nature, devoir moins qu’aucun autre se prêter à l’ingérence de l’Etat. Les fonctions des matelots sont commandées par les élémens. On ne voit pas très bien, en effet, la bordée de quart d’un paquebot discutant une circulaire ministérielle au milieu de la tempête. Or, c’est justement l’organisation du travail à bord qui a donné naissance à la casuistique la plus compliquée en matière de règlement d’administration publique. Un témoignage saisissant de ce fait est fourni par cette constatation que, jusqu’à ce jour, il n’a pas fallu moins de 275 décrets, arrêtés, instructions et dépêches ministérielles pour régler, ou plutôt pour ne pas régler, cette question vitale.

L’intervention des pouvoirs publics était peut-être utile sur certains points ; mais je fais un double grief à la réglementation actuelle. En premier lieu, elle découle d’un ensemble de mesures constitué par la juxtaposition des réglementations les plus sévères existant chez les nations maritimes européennes : en sorte que notre marine marchande subit toutes les charges de cet ordre, dont chaque marine concurrente ne subit qu’une partie. En second lieu, elle fait application de dispositions trop générales à une infinité de cas particuliers. En 1913, M. de Monzie, sous-secrétaire d’Etat, reconnaissait cet état de choses et la nécessité d’y porter remède. C’est ce qui ressort du moins de la consultation adressée le 26 avril 1913 aux directions de l’Inscription maritime et aux associations d’armateurs et de marins.

Il serait fastidieux d’éplucher la législation pour en faire ressortir toutes les erreurs. Contentons-nous de citer les plus frappantes. Par exemple, les dispositions de la loi sont inapplicables à la petite navigation pour laquelle il est indispensable qu’une réglementation spéciale soit élaborée ; d’autre part, le recrutement des équipages est menacé dans ses sources vives par la loi de 1907 qui incite les enfans à se tourner de préférence vers d’autres professions que celle de marin. Si l’on n’y prend garde,