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équivalentes aux charges spéciales qu’elles ont pour but de compenser, il arrive, ainsi que je l’expliquerai prochainement, que, pendant la durée d’application d’une loi, ces charges se trouvent aggravées de telle sorte que l’équilibre est rompu au préjudice de l’armateur. Celui-ci avait établi ses calculs de prix de revient en tenant compte des primes qu’on lui accordait pendant une période déterminée, et voici que cet échafaudage s’écroule !

J’espère qu’on ne m’accusera pas d’avoir fait au cours de cette étude un plaidoyer pro domo. Rien n’est plus éloigné de mes intentions. Pénétré de l’importance qu’il y a pour notre pays de posséder une flotte commerciale capable de répondre aux nécessités de l’après-guerre, j’ai voulu profiter de l’expérience que j’ai acquise en cette matière pour indiquer les solutions primordiales à adopter. J’ai signalé trois sortes de dangers qui guettent l’armateur : danger découlant de l’interprétation étroite de l’acte de navigation de 1793, danger résultant de l’inapplication flagrante du décret-loi disciplinaire de 1852, danger issu des lois concernant le travail à bord. Chacun d’eux constitue une menace mortelle. Ainsi qu’un capitaine, ballotté au milieu des récifs, et obligé de donner à chaque instant, pour les éviter, des coups de barre à gauche, des coups de barre à droite, le chef d’une entreprise de navigation doit louvoyer péniblement pour mener sa barque, perdant son temps et ses forces avant d’arriver au but. Faisons donc sauter ces écueils administratifs ou électoraux, qui barrent sa route, ou du moins diminuons leurs aspérités et éclairons-les de larges balises, au lieu de les dissimuler sous le flot trouble des discussions politiciennes.

Voulons-nous, oui ou non, une marine marchande ? Toute la question est là. Si nous voulons avoir une marine telle qu’elle doit être, il faut savoir l’organiser. J’ai pris soin d’établir plus haut que les complications ne devraient pas provenir des marins eux-mêmes. Ceux-ci, dont la valeur professionnelle est légendaire dans notre pays, viennent de donner la preuve qu’ils valent leurs aînés. Les descendans des gens de mer de M. de Colbert, les fils des gars de Jean-Bart, de Surcouf, du bailli de Suffren, de Courbet n’ont point dégénéré, ils sont restés ce qu’ils étaient ; des êtres impulsifs, généreux, mais qui deviennent parfois farouches quand ils ont abusé de l’alcool.