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Le cabaret est là, sur le quai, à deux pas du bord. Il suffit de franchir la planche de débarquement pour s’asseoir à la table empuantie, auprès des camarades qui boiront jusqu’à l’ivresse. Fermons donc les portes de ces officines ténébreuses où se dégradent les corps vigoureux, -où s’avilissent les âmes simples de nos matelots. Empêchons surtout que les suggestions perfides ne parviennent aux oreilles de nos équipages surexcités.

Ainsi que je crois l’avoir démontré, la grandeur de notre marine marchande ne peut être obtenue que par une entente bien comprise entre les intérêts du personnel marin et ceux de l’armement qu’il faut cesser d’opposer l’un à l’autre. Lorsque cette union nécessaire sera un fait accompli, il nous restera à nous retourner vers l’Etat français. Sans nier l’opportunité de son contrôle et la nécessité de l’aide matérielle qu’il doit nous apporter, je demande surtout que les pouvoirs publics nous donnent plus de liberté d’action et cessent de nous placer, vis-à-vis des étrangers, dans un état d’incertitude funeste et de lutte défavorable. En revanche, je sollicite des autorités qui en ont la responsabilité une organisation qui, sans porter atteinte à la liberté des travailleurs, soit capable de faire régner à bord de nos navires l’ordre sans lequel aucune entreprise de navigation ne peut se développer. Suivant le mot si juste de l’honorable M. Lloyd George, qu’on ne saurait certes accuser de timidité ou d’étroitesse réactionnaire, « on ne devient vraiment un peuple libre que par une discipline nationale. »


J. CHARLES-ROUX.