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mensongères) est convaincu que notre défaite est imminente. Il veut encore attendre un peu. Combien de temps ? Juste autant qu’il nous craindra, pas une minute de plus.

Mais il sait comment nous répondrions à sa trahison, que des troupes allemandes seraient aussi envoyées en Transylvanie et qu’enfin un demi-million de Bulgares lui tomberaient sur le dos.

J’ai causé aussi avec le Roi. Il va sans dire qu’avec lui j’ai dû m’avancer davantage. Nous avons parlé du roi Carol et je lui ai cité ce mot que m’avait dit son regretté oncle : « Si l’Italie vous attaquait, ce serait une cochonnerie (sic) dont un Hohenzollern est incapable. » Le Roi me répondit : « J’ai les mêmes idées que mon oncle, mais vous devez bien penser que je dispose de beaucoup moins d’autorité.

Je répliquai que je pouvais seulement comprendre une chose : Sa Majesté ne peut garantir qu’Elle imposera ses volontés, mais Elle gardera ses volontés, ou bien Elle abdiquera. Le Roi resta muet.

Votre Excellence est assez avertie pour savoir qu’il n’y a pas grande confiance à avoir en Sa Majesté : le Roi est un instrument aux mains de Bratiano.


Le comte Czernin eut encore, dans les premiers jours d’août, plusieurs entrevues avec M. Bratiano. Celui-ci cherchait toujours à le convaincre qu’il ne songeait nullement à abandonner la neutralité et, comme le diplomate autrichien, incrédule, prouvait que, malgré les promesses du ministre, des troupes roumaines continuaient à se masser sur les frontières, M. Bratiano donna devant lui des ordres pour savoir ce qu’il en était. Il se montrait préoccupé des nouveaux succès remportés par les Russes. Le comte Czernin prétendit que ces succès avaient été fort exagérés : « Tant de mensonges ont été répandus pour gagner la Roumanie à la cause de l’Entente ! — C’est vrai, répondit Bratiano ; la Russie fait comme le coq de bruyère qui danse devant ses poules. »

Des mouvemens de troupes n’en continuaient pas moins à se produire le long des frontières, trahissant ainsi les projets du gouvernement roumain.

Le Ballplatz pensa alors que le seul moyen de retenir M. Bratiano était de le rassurer complètement vis-à-vis de la Russie au moment où cette Puissance s’apprêtait à envahir le territoire roumain avec des forces considérables : le baron