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elle était attaquée, ce qui ne pouvait vraiment arriver que de la part de la Bulgarie. »

Ces assurances trompeuses semblent avoir fait illusion en Allemagne, si l’on en juge d’après le langage de certains journaux de Berlin dans la deuxième quinzaine d’août 1916. Le comte Czernin, plus sceptique, terminait sa dépêche du 26 août en disant avoir la preuve que maintenant « le Roi lui-même paraissait résolu à la guerre. »


Il ne se trompait pas : le lendemain matin dimanche, 27 août, le Conseil de la Couronne, réuni au palais royal de Cotroceni, décidait, malgré l’opposition irréductible du vieux germanophile M. Carp, l’entrée en guerre de la Roumanie aux côtés des Puissances de l’Entente ; le décret de mobilisation était affiché dans l’après-midi et la nouvelle était notifiée, le soir même au Ballplatz par le ministre de Roumanie à Vienne. Les principaux motifs énoncés dans la déclaration de guerre peuvent se résumer ainsi :


Le gouvernement roumain n’avait jadis adhéré à la Triple-Alliance « que dans un but essentiellement conservateur et défensif. » Aussi, en août 1914, avait-il refusé, comme l’Italie, de s’associer à une déclaration de guerre dont il n’avait pas été prévenu. Dès lors la Triple-Alliance n’existait plus. Pendant cette guerre « faite en dehors de sa volonté et contraire à ses intérêts, » il avait cependant voulu garder la neutralité, eu égard aux assurances données par le gouvernement Impérial et Royal que la Monarchie, en déclarant la guerre à la Serbie, n’avait été inspirée par aucun esprit de conquête, qu’elle ne poursuivait en aucune façon des acquisitions territoriales. Ces assurances ne se sont pas réalisées. On se trouve en présence de situations de fait d’où sortiront de grandes transformations territoriales et des changemens politiques menaçans pour l’avenir de la Roumanie. Celle-ci ne pouvait, d’ailleurs, oublier les liens de sang qui unissent les populations du royaume aux Roumains sujets de la Monarchie austro-hongroise. Ces derniers, malgré toutes les promesses faites, loin d’obtenir les réformes auxquelles ils ont droit, continuent à être traités comme une race inférieure et à subir l’oppression d’une minorité. Deux ans de guerre ont prouvé que l’Autriche-Hongrie, hostile à toute réforme intérieure, persiste à ne pas vouloir faire cesser cette injustice. La Roumanie, sous l’empire de la nécessité de sauvegarder ses intérêts de race, se voit forcée