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La déchéance de l’Empereur est décidée. Comme il revenait à Tsarskoïé-Sélo, son train a été arrêté à Bologoïé et on l’a contraint de changer de route. L’Empereur a demandé à se rendre à Pskoff auprès du général Rouzsky. La Douma exige l’abdication de Nicolas II en faveur du grand-duc Alexis, avec la régence de son oncle, le grand-duc Michel Alexandrowitch, frère du Tsar. Une Assemblée nationale constituante, formée de délégués de toutes les provinces de l’Empire et convoquée, selon toute prévision, après la guerre, élaborerait la nouvelle constitution.

De graves dissentimens commencent à s’élever entre le parti modéré de Rodzianko et le groupe des travaillistes, qui a l’armée derrière lui et a pris le nom de Conseil des députés, des ouvriers et des soldats. Ce conseil a enjoint aux soldats de n’obéir aux officiers qu’à condition que leurs ordres ne soient pas en contradiction avec les siens. On assure que c’est à la suite de l’ordre n° 1 publié par le Conseil qu’ont eu lieu les massacres d’officiers. L’ordre n° 2 invitant le peuple à la modération est malheureusement arrivé trop tard. Il vient aussi d’élaborer le nouveau modus vivendi des troupes de Pétrograd, qui s’étendra bientôt à toute la Russie : « Tous les soldats sont libres après les exercices et égaux à tous les citoyens. Le tutoiement des officiers aux soldats est supprimé, ainsi que les titres donnés par les soldats à leurs officiers. Les soldats sont autorisés à fumer dans la rue. Le salut militaire n’est pas de rigueur. »

Déjà il arrive que les ordres du parti Rodzianko et du groupe socialiste soient contradictoires, par exemple en ce qui concerne la paix et la forme du gouvernement. La Révolution, commencée en haine du parti germanophile, menace de devenir sous la pression socialiste un acheminement vers une paix immédiate et forcément au profit de l’Allemagne. Le peuple russe n’acceptera jamais cette humiliation. De même le « Conseil des députés, des ouvriers et des soldats » veut une république sociale à laquelle la Russie n’est pas préparée. Heureusement, le parti travailliste a pour leader Kérensky et le parti socialiste Tschkheidzé, qui sont l’un et l’autre des hommes de bon sens et de réflexion. Ils se sont attachés à trouver un terrain d’entente. Finalement, le groupe travailliste a consenti à publier une déclaration constatant que « ce n’est pas le moment de se lancer dans des querelles de partis, mais qu’il faut marcher