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REVUE DRAMATIQUE


Comédie-Française. — Les Noces d’argent, comédie en quatre actes de M. Paul Géraldy. --Théâtre-Antoine, — Société Shakspeare. Représentations du Marchand de Venise.


La Comédie-Française s’est trompée. J’aime trop cette grande maison, et j’ai trop largement rendu hommage à la dignité de l’attitude qu’elle observe en ces temps difficiles, pour hésiter à le lui dire. Elle a commis une faute de goût, en représentant une pièce qui n’aurait pas dû être jouée pendant la guerre. Depuis que la victoire de la Marne lui avait permis de rouvrir ses portes, elle s’était bornée à donner des représentations classiques et des reprises de pièces appartenant à son répertoire ou empruntées à d’autres scènes. Pour la première fois, elle vient de monter un ouvrage nouveau et elle a entouré cet événement de toute la solennité d’antan. Or la pièce de M. Géraldy, les Noces d’argent, appartient éminemment à un genre dont il est à souhaiter que la guerre nous ait à jamais débarrassés. Elle a été écrite avant la guerre, et il est donc inévitable qu’elle reflète l’état d’esprit qui régnait avant la guerre ; mais justement la guerre nous a rendu intolérable ce que nous supportions alors. Elle a été reçue avant la guerre, c’est entendu ; mais la guerre a mis un abîme entre hier et aujourd’hui. La Comédie-Française n’a pas pensé qu’il y eût lieu de tenir compte d’un « fait nouveau » de cette importance. C’est ce que je lui reproche.

Aux années d’aimable insouciance qui ont précédé la terrible réalité d’août 1946, il est vraisemblable que nous aurions accueilli la comédie de M. Géraldy avec une indulgence amusée, comme l’œuvre d’un jeune homme bien doué pour le théâtre et dont le tort était seulement de suivre les courans de la mode avec trop de docilité. « Encore une