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surtout qui souffre du départ de sa fille, car il est le père, et ce sera surtout la mère qui souffrira de l’éloignement de son fils. Ainsi va la vie... Premier acte un peu vide, un peu long, mais brillant, agréable et léger.

Deuxième acte. Les deux Hamelin, père et mère, achèvent en tête à tête un déjeuner lugubre. Suzanne est en voyage. Max, lui, n’est pas en voyage, mais ses parens ne le voient pas beaucoup plus pour cela. Levé tard, aussitôt sorti, il se dispense de rentrer pour les repas, sans même prendre la peine de prévenir. D’ailleurs, à ses rares momens de présence réelle, il est absent en esprit, distrait, n’ouvrant plus la bouche que pour quelques monosyllabes évasifs. Il est devenu morose et dur, lui jadis si gentil et si gai ! Nous ne tarderons pas à avoir l’explication de cette métamorphose. « Marraine » est en visite chez les Hamelin, et Mme Hamelin, qui ne se méfie pas, s’ouvre à elle des inquiétudes que lui donne ce méchant Max. Éveline ne fait qu’en rire. A cet instant précis, arrive à l’adresse de Max une lettre, que tout dénonce pour être une lettre de femme. Marraine, avec une décision que la qualité de marraine in partibus ne suffit certes pas à justifier, décachette la lettre et la lit avec une stupeur bientôt suivie d’une explosion de colère, à laquelle il est impossible de se méprendre. C’est ainsi que Mme Hamelin apprend tout à la fois que son fils est l’amant de Marraine, et qu’il trompe Marraine avec une actrice. Déjà ! Comme dira M. Hamelin, le petit gars ne perd pas son temps. Il a fait ces choses et il n’a pas vingt ans !

La scène qui suit, entre les deux femmes, je veux dire entre Mme Hamelin et Marraine, est des plus désobligeantes. Que Mme Hamelin reproche à son amie de lui avoir pris son fils et la chasse de la maison, rien de mieux : c’est la révolte de la mère et de l’honnête femme. Mais dans cette trop naturelle indignation Marraine ne veut voir que de la jalousie. C’est sur ce thème que la dispute s’engage. Zt le débat qui se prolonge, mettant sur la même ligne la mère et la maîtresse, est atroce... Maintenant que les voilà renseignés sur les exploits de leur progéniture, que vont faire les parens ? Quelle attitude auront-ils vis-à-vis d’un poulain si bien parti ? Ne comptons pas sur le père. En apprenant que son fils a une liaison avec Marraine, son premier mouvement a été pour approuver : « C’est une sécurité. » Car il est convenu, dans un certain genre de romans et de pièces de théâtre, que tel est le rêve de toute famille bourgeoise ; il est entendu que le souhait le plus vif d’un père avisé et d’une mère prudente, est que leur fils ait avec une femme du monde une liaison de tout repos :