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ainsi leur héritier se distrait, sans aucun des inconvéniens que présentent des liaisons moins régulières, el jeunesse se passe en attendant que sonne l’heure du mariage riche. On n’ôtera pas de l’esprit de nos vertueux censeurs de théâtre que tel est le fond de la moralité bourgeoise. M. Hamelin est un père selon cette formule.

Reste la mère. Elle va parler à ce fils dévoyé le langage d’une mère. Elle, l’a fait appeler, elle le fait comparaître. Écoutons-la. Max arrive en tenue de soirée, car il dîne dehors et, prévoyant que la petite fête pourra se prolonger, il a soin de prendre la clé de la porte, afin de ne réveiller personne par sa rentrée nocturne ou matinale. Cette utile précaution suggère à Mme Hamelin qu’un si grand garçon doit avoir sa clé et elle autorise Max à s’en faire faire une... Et c’est tout... Ainsi finit ce terrible entretien. Nous nous attendions à des remontrances. Nous attendions un de ces morceaux où il est d’usage, depuis l’antiquité, que la comédie élève la voix. C’était précisément quand il s’agissait de morigéner de jeunes écervelés que les anciens admettaient et même conseillaient ce changement de ton. Corneille dans le Menteur et Molière dans Don Juan ont suivi ce conseil et l’ont autorisé de leur exemple. Ils le jugeaient conforme à la nature des choses et à la logique de la situation. Nous avons changé tout cela, et on le voit bien au parti où se résout Mme Hamelin. Quelle brusque révolution s’est donc faite dans son esprit ? A-t-elle eu la sensation qu’au lieu de ramener son fils elle ne ferait que l’irriter, et qu’elle y perdrait le peu d’affection qui peut-être lui reste dans un coin de ce cœur jadis tout à elle ? Le fait est qu’elle ne souffle mot. Au lieu d’une mercuriale emportée, sévère, violente, rien que le silence et une sorte de demi-complicité. Telles sont les ironies auxquelles se complaît un art soucieux avant tout d’éviter le banal, le banal fût-il le vrai, et tel est le fin du fin dans la comédie pessimiste... Et M. Hamelin, dans tout cela, à quoi pense-t-il ? Voilà quarante-huit heures que le pauvre homme n’a reçu de nouvelles du jeune ménage. Il en sèche de chagrin, il en est au dépérissement. C’est un de ces pères qui n’auraient pas dû marier leur fille : ils ne peuvent supporter qu’elle soit heureuse en ménage. Quand je dis : « un de ces pères, » je ne sais si vous en connaissez ; pour ma part, je n’en ai jamais rencontré ni plusieurs, ni un seul.

Au troisième acte, deux scènes essentielles, dont l’une est destinée à montrer ce que des parens ont désormais à attendre de leur fille, quand ils ont eu l’imprudence de la laisser partir, un beau jour, avec un monsieur, sous le prétexte que ce monsieur est son mari. Suzanna