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appropriant, de leurs méthodes, ce qui est compatible avec notre idéal ? Puisque, d’une volonté irréductible, nous voulons vaincre, nous voulons, par là même, employer, sans autre restriction que celles qu’impose le respect du droit et de l’honneur, tous les moyens requis pour obtenir la victoire.

Mais, dira-t-on, la préoccupation même de la liberté et de l’honneur s’oppose à un mode d’organisation qui implique, précisément, le mépris de la conscience individuelle et de la morale humaine. Il est certain que l’organisation libérale ne saurait être semblable à l’organisation despotique ; mais il n’est nullement évident que la première soit condamnée à être moins forte que la seconde.

Celle-ci fabrique une machine qui est extérieure à son moteur, et dont les parties sont des rouages passifs. La liberté crée des organismes dont les organes sont, eux-mêmes, des organismes, et à travers lesquels, du centre à la circonférence comme de la circonférence au centre, la vie, incessamment, circule. Or la machine qui reçoit son impulsion du dehors est entièrement dépendante, pour son fonctionnement, de cette action extérieure. Que cette action vienne à manquer, ou se trouve impuissante à embrasser toutes les parties, tous les momens d’une réalité de plus en plus complexe et changeante, et la machine, abandonnée à elle-même, ne sera plus qu’une masse inerte et sans défense. Au contraire, la puissance d’un tout dont les parties sont elles-mêmes des touts est faite de la puissance des parties elles-mêmes. Un tel corps est indéfiniment capable de se maintenir, de croître et de se modifier ; il peut, par l’initiative des parties comme par celle du pouvoir central, réparer ses pertes, corriger ses défauts, répondre à l’appel imprévu des circonstances. Certes, la liberté est chose hasardeuse : mais il dépend d’elle d’être non un agent de dissolution mais une force bienfaisante, organisatrice et conservatrice, une source d’énergie intarissable, une puissance d’action supérieure à tous les mécanismes : il suffit, pour cela, que, se maîtrisant elle-même, elle sache, sous l’idée du devoir et de l’intérêt commun, obéir et commander.

Mais, si les Allemands se croient moralement plus forts que leurs adversaires, ce n’est pas seulement parce que, dans les individus, ils substituent la volonté du Tout à la volonté propre. C’est encore parce qu’ils placent le premier moteur de