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encercler le fort que le 8e bataillon aborderait directement.

Le 23 octobre, le régiment gagna ses positions de départ. Dans l’après-midi, on s’en souvient, un heureux obus de 400 détermina un incendie dans le fort. Sans doute, comme au mois de mai, un dépôt de munitions avait-il dû sauter. Peut-être la garnison avait-elle subi des pertes. C’était d’un bon présage. Dans leurs parallèles, les troupes confiantes attendaient l’heure fixée avec impatience.

Si minutieusement achevée que soit leur préparation, si complètes que soient leurs prévisions, toutes les affaires humaines demeurent encore soumises à la chance, comme le dit le commandant Nicolaÿ des projets de bataille. La part divine est réservée. Or, dans l’affaire de Douaumont, il semble au début que tout conspire à son échec. Puis la fortune tourne, le destin parle, la victoire s’envole.

Le brouillard qui pouvait favoriser la marche en avant, qui, sur presque toute la ligne, la favorisa, ne cause en face des marsouins aucun effet de surprise. Sentant venir l’attaque, un officier allemand dont la hardiesse faillit nous coûter cher, enlevant ses hommes, était venu avec sa compagnie occuper les tranchées de départ que nos soldats avaient évacuées pour laisser le champ libre à l’artillerie. Quand la compagnie sénégalaise, préposée à leur garde, revient pour se mettre en place, elle trouve la place prise. Un violent combat s’engage chez nous, au lieu d’être porté d’emblée chez l’ennemi. Fâcheux début qui risque de tout compromettre par le retard. Le commandant Modat, qui doit conquérir avec son bataillon le premier objectif et entraîner après lui le régiment, sent l’inquiétude le gagner à mesure que l’heure fixée, — onze heures quarante, — approche. L’heure vient, et l’on se bat toujours. N’importe : il donne le signal ; derrière lui, le bataillon Croll, s’il est nécessaire, renforcera les Sénégalais et les Somalis. Les premières vagues se dressent, franchissent nos parallèles d’où monte, avec un bruit de lutte corps à corps, la fumée des grenades éclatées, se précipitent à l’assaut sur le terrain boueux et bouleversé. Mais le Boche qui fait face aux marsouins est un adversaire redoutable. Prévenu par le tumulte, massé dans la tranchée Augusta, il attend notre attaque. « De terribles feux de flanquement, écrit le capitaine Alexandre qui prit le commandement du bataillon après que le commandant Modat fut blessé,