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Parmi les abris à munitions, les uns sont en bon état, les autres éboulés. Les magasins de la tourelle de 155 n’existent plus, mais la tourelle a résisté. Celle de 75 est endommagée, mais réparable. La casemate de Bourges a eu son mur de façade en béton armé détruit en partie. Des murs en sacs à terre avaient été édifiés par les Allemands pour le remplacer et le doubler. La plupart des communications bétonnées ont été coupées. Les Allemands avaient projeté trois passages souterrains, mais un seul était en construction au moment de la prise du fort : partant du fond du couloir d’accès du sous-sol, il desservait les locaux de gorge actuellement détruits.

Les citations de ce rapport officiel, rédigé le 27 octobre après une vue des lieux faite la veille, répondent par avance aux tentatives d’explication que vont donner les Allemands par le moyen de l’agence Wolff et de leurs journaux sur leur défaite du 24 octobre. « Les forts de Douaumont et de Vaux, diront-ils, ont joué dans la bataille de Verdun un rôle important aussi longtemps qu’ils furent, comme forts français, au pouvoir des défenseurs. Afin d’affaiblir la position de Verdun, ils durent être rendus inoffensifs. Privés de leurs moyens de combat et en grande partie détruits, ils n’offraient à l’assaillant, au point de vue tactique, qu’une valeur limitée dès l’instant où l’attaque contre Verdun était interrompue [1]... »

L’Allemagne avait claironné dans tout l’univers les noms de Douaumont et de Vaux. Elle s’est chargée de leur assurer une publicité incomparable, colossale. Et quand ces noms retentissans deviennent pour elle des noms de défaites, aussitôt elle fait machine en arrière : « Vaux, Douaumont, vous en avez entendu parler ? c’étaient de mauvais forts démembrés, sans aucune importance ; nous allions les abandonner précisément quand les Français se sont avancés. Ils nous gênaient ; positivement ils nous gênaient. Nous serons beaucoup mieux en arrière. Les Français se sont même trop pressés : ils sont venus quand le retrait de notre ligne commençait de s’accomplir. Simple coïncidence : ils avancent, nous reculons. Coïncidence toute fortuite ; s’ils avaient eu la patience d’attendre, ils auraient trouvé place nette... »

Je ne sais si la coutume des historiens allemands est d’accommoder

  1. Agence Wolff, 3 novembre 1916